Par Thérèse Foucheyrand

Le ministre du Travail partage les immigrés en deux catégories : les « gentils » et les « méchants ». Déclaration étonnante, dès lors qu’elle est adressée à des citoyens adultes.

Capture d’écran, le 18 décembre, vers 19 heures…

Dans la catégorie « gentils », entrent, supposons-le,  les immigrés pourvus d’un emploi, mais dépourvus de papiers réglementaires.

Un projet de loi se propose de « régulariser » la situation de ces travailleurs, en leur accordant un permis de séjour, accompagné d’une autorisation de travailler.

C’est une annonce  « en même temps » : un emploi comblé, la production renforcée, un immigré en passe d’intégration, le volet social respecté.

Mais il existe un sous-texte. Si l’entreprise emploie déjà le salarié, c’est qu’elle n’a pas procédé à une déclaration d’embauche régulière. Le travailleur a, en conséquence, perdu le bénéfice de prestations sociales de tous ordres. Sur une possibilité de rétrocession des droits, le texte est muet.

La validité des divers documents accordés est limité dans le temps. Le « régularisé » devra se soumettre à des démarches longues, compliquées et payantes. L’obtention d’une nouvelle autorisation coûte en moyenne 425 € (timbre fiscal), plus des frais annexes.

Cet état de « régularisé » qui peut perdurer, ne produira jamais un effet d’égalité avec les autres salariés. En cas de licenciement général, en cas d’effondrement de la filière, le travailleur immigré ne perdra pas seulement son emploi, il se verra refuser le renouvellement de son permis de séjour et/ou de travail. Il subira une double peine et sera privé d’accès à tous les dispositifs d’aide et de formation.

Si le « régularisé » dérape, c’est à dire qu’il commet un délit voire un crime, il ne peut, à l’issue de sa peine, être pris en charge par les services de réinsertion, à cause de sa situation administrative. Là aussi, s’applique la double peine.                                           

Le projet de loi est un texte « caméléon » de ces textes qui, sous couvert d’humanité et de mesures sociales, pérennisent les situations précaires des individus au profit des entreprises.

À terme,  si ce projet de loi est adopté, il existera, en France, une catégorie de travailleurs à jamais étrangers, redevables à l’État de leur subsistance, obligés à ne jamais faire de vague dans quelque domaine que ce soit.

Ce n’est pas que ce texte soit plus scélérat que d’autres. Mais il ne déroge pas à l’état d’esprit de l’état libéral. Les conséquences qui en découlent pourraient d’ailleurs être bien améliorées par des votes des parlementaires si ceux-ci se préoccupaient moins de stratégie politicienne et plus de la réalité au quotidien. Il leur serait même possible de développer ce grand principe de notre droit du travail « À travail égal, salaire égal » en « À travail égal, droits égaux ».