Par Antoine Peillon

« Libre Palestine » : ce logo apposé sur l’affiche de Jean-Luc Mélenchon pour son meeting du 18 avril à l’université de Lille reprend le slogan, « Palestine libre du fleuve [Jourdain] à la mer [Méditerranée] » (“From the River to the Sea Palestine Will be Free”) porté par le Hamas et Rima Hassan qui figure en septième place sur la liste de la France insoumise (LFI) conduite par Manon Aubry.

C’est une nouvelle signature de l’antisémitisme de la secte mélenchoniste (lambertiste) puisque ce slogan suppose la disparition totale d’Israël et relève de l’apologie du terrorisme exterminationiste (génocidaire) des islamistes (Hamas, Djihad islamiste, Hezbollah, État islamique, Frères musulmans…).

Photo : A. P.

C’est aussi une preuve supplémentaire de la sortie complète de LFI de la tradition démocratique et républicaine de la gauche, tradition maintenue tant bien que mal depuis sa fondation dreyfusarde (cf. le livret de Vincent Duclert, Premiers combats, Gallimard, Tract n° 32) et laïque (Aristide Briand, Ferdinand Buisson, Jean Jaurès). Face à ce dévoiement haineux qui pourrit la campagne pour les élections européennes, autant que les ressentiments xénophobes du RN ou de Reconquête, aucune complaisance, aucun compromis, aucun silence coupable (merci Céline Pina pour le courage, la vigilance et la persévérance). Jamais !

NB : La revendication d’un État palestinien « du fleuve à la mer », au contraire de celle de deux États souverains, seule solution portée par tous les démocrates du monde entier, est aujourd’hui celle du Hamas et a pour écho le slogan antisioniste radical et antisémite : « Du fleuve [Jourdain] jusqu’à la mer, la Palestine sera libre ».
Lire : Muslih, “Towards Coexistence: An Analysis of the Resolutions of the Palestine National Council”, Journal of Palestine Studies, vol. 19, no 4,‎ 1er juillet 1990, p. 3–29 + Trigano, “Deconstructing the Three Stages of the Nakba Myth”, Jewish Political Studies Review, vol. 30, nos 3/4,‎ 2019, p. 45–54 + “From the River to the Sea”, AJC, 15 mars 2021 +“Slogan: “From the River to the Sea Palestine Will be Free””, ADL, 26 octobre 2023.
La Chambre des représentants (États-Unis) a adopté dans la nuit de mardi 16 à mercredi 17 avril, à une écrasante majorité, une résolution définissant le slogan « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre » comme antisémite. Cette décision purement déclarative a été adoptée par 377 voix pour et 44 contre. L’initiateur de cette déclaration, le député de New York Antony Desposito, a déclaré que « cette phrase ne signifie qu’une chose et elle n’est pas liée aux droits de l’homme ou à la paix, mais à la destruction violente de l’État d’Israël et du peuple juif qui y vit ».

Georges Bensoussan, historien et auteur de l’ouvrage Les origines du conflit israélo-arabe, est revenu, entre autres, lors de La Grande interview d’Europe 1, mardi, sur les prises de positions controversées de La France insoumise vis-à-vis du conflit israélo-palestinien.
« Le slogan de Rima Hassan, en septième position sur la liste LFI aux élections européennes est : ‘Palestine libre. Du fleuve à la mer’. Qu’est-ce que cela veut dire du fleuve à la mer ? C’est l’élimination de l’État d’Israël. C’est un slogan génocidaire. Qu’un parti comme celui-là puisse promouvoir une candidate, demain élue, qui annonce la destruction d’un État et dont la destruction d’un État fait partie du programme, c’est une honte absolue pour la nation française », a-t-il lancé. Rima Hassan s’est fait connaître par ses positions controversées autour de la situation au Proche-Orient. Interrogée par le média Le Crayon, en novembre dernier, elle avait estimé qu’il était « vrai » que le Hamas mène une action légitime. Elle avait également assuré que l’État d’Israël ne disposait pas de droit de défense et qu’une solution à deux États était impossible. « Ce parti est le parti qui me fait le plus penser au populisme de Doriot. L’authentique risque de fascisme en France, c’est Mélenchon et ses sbires », a tranché l’auteur de l’ouvrage Les origines du conflit israélo-arabe au micro d’Europe 1.

Dessin de presse : Antoine Chereau

MAJ du 19 avril : « Après l’interdiction d’une conférence sur la Palestine à Lille, les outrances de Jean-Luc Mélenchon » (Le Monde)
(…) Détonnant par rapport au meeting de mercredi, qui s’était tenu à quelques kilomètres de là, à Roubaix (Nord), Jean-Luc Mélenchon a basculé dans l’outrance, livrant un discours d’une grande violence. Alors que tous les socialistes étaient montés au créneau dans la journée pour défendre LFI et contester l’interdiction du préfet, le triple candidat à la présidentielle s’en est pris au député socialiste de l’Essonne, Jérôme Guedj, qu’il a comparé à « un lâche de cette variété humaine que l’on connaît tous, les délateurs, ceux qui aiment aller susurrer à l’oreille du maître ». L’élu avait exprimé ses réserves vis-à-vis du logo de Libre Palestine, une carte montrant dans un même territoire de manière indistincte la Cisjordanie, Gaza et Israël. Sans pour autant plaider pour l’annulation de la conférence. « Il n’a pas demandé l’interdiction, il s’est contenté de dénoncer », a rétorqué Mélenchon, dans des sous-entendus douteux.
Le septuagénaire a continué à convoquer l’histoire dans ses heures les plus sombres, multipliant les parallèles injurieux. Il a évoqué « les bassesses de la police française », qui ont conduit à « la rafle du Vél’ d’Hiv », « les capitulards », « les fascistes » et « les lâches » et assimilé le président de l’université à Eichmann, ce fonctionnaire nazi rouage de la « solution finale », qui pendant son procès s’était défendu en assurant avoir simplement obéi aux ordres.
Pour Mélenchon, le président de l’université est d’ailleurs « celui qui a cédé ». « Il s’est aplati ! Il s’est couché ! », a-t-il ajouté. Avant de s’en prendre au préfet : « Ils ont des consignes pour interdire, mais de qui ? Le ministre de l’intérieur prétend ne pas être au courant et le président dit que tout le monde doit pouvoir parler », s’est-il étonné… » (Le Monde)

Joann Sfar, 1er mai 2024

Bibliographie sommaire sur le conflit israélo-palestinien, publiée dans Le Jacquemart, le 6 janvier 2024 : Georges Bensoussan, Les Origines du conflit israélo-arabe (1870-1950), PUF, collection Que sais-je ?, 2023 + Nathan Weinstock, Histoire de chiens. La dhimmitude dans le conflit israélo-palestinien, Mille et une nuits, 2004 + Nathan Weinstock, Terre promise, trop promise : genèse du conflit israélo-palestinien (1882-1948), Odile Jacob, collection « Histoire », 2011 + Henry Laurens, La Question de Palestine, tomes I, II, III, IV et V, Fayard, 1999/2002/2007/2011/2015 + Benny Morris, Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Éditions Complexe, [1999] 2003 + B. Morris, The birth of the Palestinian refugee problem revisited, Cambridge University Press, 1988, nouvelle édition en 2004. Éviter les pamphlets d’Ilan Pappé, lequel est cité de façon obsessionnelle par tous les antisionistes radicaux, dont les motifs sont tellement douteux et les erreurs factuelles tellement nombreuses que Benny Morris voit dans son ex-disciple « au mieux l’un des historiens les plus bâclés du monde, au pire, l’un des plus malhonnêtes »

LIRE AUSSI :

La Pensée égarée. Photo : A. P.

Alexandra Laignel-Lavastine, La pensée égarée. Islamisme, Populisme, Antisémitisme : essai sur les penchants suicidaires de l’Europe, Grasset, 2015.
Lecture de Philippe Foussier, dans Humanisme, 2015/3 (N° 308), pages 116 à 117

Alexandra Laignel-Lavastine. DR

Philosophe, essayiste, longtemps critique au Monde des Livres, Alexandra Laignel-Lavastine est une spécialiste de l’Europe de l’Est, à laquelle elle a consacré plusieurs ouvrages. La Roumanie avec des figures comme Cioran, Eliade ou Ionesco et la personnalité de Jan Patocka, philosophe tchèque mort en 1977 sous les coups de la police politique, figurent au rang de ses recherches.

Son dernier livre revient avec talent et vigueur sur les suites des sanglantes journées de janvier. Pour elle,« la question décisive est aujourd’hui de savoir qui l’emportera entre les endormis du 6 janvier et les réveillés du 11 ». Elle redoute la cécité des Européens et constate avec effroi la vague national-populiste partout sur le Vieux continent. Elle discerne en France, juste après les attentats de janvier, un réel aveuglement d’une certaine gauche qui mettait en garde non pas contre la barbarie djihadiste mais contre « le triomphe du Parti de l’ordre ». Pour l’auteur, « cette gauche-là voudrait précipiter les gens vers l’extrême droite qu’elle ne saurait mieux s’y prendre ».

L’esprit du djihad, dernier chic parisien

Alexandra Laignel–Lavastine invoque l’héritage de ceux qui se sont battus depuis le XVIIIe siècle pour que nous puissions bénéficier, entre autres, de la liberté d’expression. « Or, nous sommes comptables de ces sacrifiés et de ces suppliciés, à qui nous devons ce mélange unique de liberté, de culture universaliste, d’humanisme juridique, de bien-être, de prospérité et d’égalité des chances qui caractérisent l’Europe. La sauvegarde de cet héritage nous incombe au regard des générations futures. Faut-il que nous ayons perdu la boussole pour qu’il soit nécessaire de le rappeler ? Sur ce point aussi, certains intellectuels musulmans s’étonnent que leurs homologues européens aient tant de mal à se souvenir que la religion peut être le cœur de réacteur d’une civilisation ». En spécialiste avertie du paysage intellectuel européen, l’auteur revient sur un basculement qui ne date pas de janvier dernier. Aussi invite-t-elle à se remémorer quelques positions exprimées après l’attentat de 2001 à New-York.

Aurait-on pu, en effet, « imaginer qu’un jour viendrait où le dernier chic parisien inciterait à préférer, en forçant un peu le trait, l’esprit du djihad à l’esprit critique, à l’instar d’un Jean Baudrillard ou d’un Jacques Derrida au lendemain du 11-Septembre, et de beaucoup d’autres depuis ? ». Bien sûr, avant « L’Esprit du terrorisme » de Baudrillard, il y eut « l’émerveillement » de Michel Foucault devant la Révolution iranienne des mollahs en 1979. Cette pensée-là a exercé une profonde influence sur une large partie de l’intelligentsia de gauche depuis des décennies, celle qui tient d’une main assurée des pans importants de l’édition et de la presse.

Mais notre philosophe ne se résigne pas à voir s’affronter deux formes de radicalisme et résume ainsi le programme d’un Éric Zemmour, de l’autre côté du spectre : « Liquider 1789, annuler mai 1968, tirer un trait sur Vichy, en finir avec l’individu autonome et, pendant qu’on y est, avec la modernité et l’Europe, sans oublier les droits de l’homme (et de la femme) ». Il serait toutefois injuste de ne pointer que des intellectuels français dans l’élaboration de cette forme de fascination pour l’intégrisme religieux et l’auteur a raison de citer les théoriciens du multiculturalisme nord-américains comme Charles Taylor ou Michael Walzer, pour qui « l’être humain n’est vraiment humain qu’en tant que membre d’une com-munauté ».

Paternalisme néocolonialiste

L’auteur met aussi en cause la « spirale du déni » qui consiste à entourer la question du basculement dans l’islamisme radical d’un halo de misérabilisme dénué de fondement. Parmi les djihadistes, les classes élevées ou moyennes sont fort bien représentées et les titulaires de diplômes universitaires sont légion. Elle aussi flétrit le concept d’« islamophobie » : « Depuis quand l’islam est-il une race ? Depuis quand critiquer un livre saint, contester ses interprétations obscurantistes, caricaturer son prophète ou se préoccuper de ses imams, quand beaucoup d’entre eux cherchent à perpétuer un monde clos et paranoïaque, relève-t-il d’un crime ? En France, on croyait cette époque révolue depuis la prise de la Bastille ».

Cette indulgence qui se mue en complicité est aussi dans le viseur de la philosophe, qui met ici le doigt sur une des contradictions les plus éclatantes de certains penseurs : « Les intellectuels préposés à la défense complaisante « des musulmans » ne se rendent sans doute pas compte que les exempter de toute responsabilité dans ces maux revient à les infantiliser et à plonger la tête sous l’eau de leurs élites les plus éclairées. Le comble de ce regard compassionnel et paternaliste tient en outre au fait que ces intellectuels reproduisent paradoxalement l’attitude condescendante, voire méprisante, qu’ils dénoncent par ailleurs dans le colonialisme ou le néocolonialisme ».

Todd, Plenel, Askolovitch ou Badiou se reconnaîtront sans doute…

Mais au-delà de cet aveuglement qui pourrait n’appartenir qu’au débat d’idées entre gens lettrés, l’experte de l’Europe du XXe siècle nous rappelle que l’histoire est tragique : « Allons-nous continuer, contre vents et marée, de tuerie djihadiste en percée de l’extrême droite, à jouer l’oscillation du politiquement correct et du politiquement abject – une collusion non plus seulement mortifère, mais désormais mortelle ? ».

La réponse nous appartient.