Les actes antisémites ont bondi en 2023, notamment après l’attaque du 7 octobre en Israël.

Calligraphie de Joann Sfar.
Avant les attaques du Hamas en Israël, une quarantaine d’actes en moyenne étaient rapportés chaque mois en période estivale. Ces chiffres ont bondi à 563 en octobre, 504 en novembre et 175 en décembre après l’attaque du Hamas en Israël.
Une multiplication par quatre en un an : le nombre d’actes antisémites recensés en France a bondi l’an dernier, à 1 676 contre 436 en 2022, selon un rapport du Crif qui déplore une « explosion » après le 7 octobre, date des attaques du Hamas contre Israël.
Jamais un tel niveau n’avait été atteint, déclare Yonathan Arfi, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), en rappelant qu’« on avait quelques dizaines d’actes par an dans les années 90, quelques centaines sur la période 2000-2022 ».
Dans six cas sur dix (57,8 %), les actes recensés l’an dernier ont été des atteintes aux personnes (violences physiques, propos et gestes menaçants…) plutôt qu’aux biens, selon ce rapport compilant des chiffres « recensés par le ministère de l’Intérieur et le Service de Protection de la communauté Juive (SPCJ) ».
Mais ces chiffres ne reflètent « qu’une partie » des actes antisémites, ceux qui ont fait l’objet d’une plainte ou d’un signalement à la police, rappelle le Crif. Dans plus de 40 % des cas, il s’agissait de « propos et gestes menaçants ». Et s’ils ont été surtout commis dans la sphère privée (32 %) et sur la voie publique (20,4 %), 7,5 % ont été recensés sur internet.
Autre point inquiétant pour le Crif, 12,7 % des actes ont eu lieu en milieu scolaire, dont une majorité au collège. « On assiste à un rajeunissement des auteurs d’actes antisémites. L’école n’est plus un sanctuaire de la République », déplore-t-il.
« Pour la première fois depuis longtemps, les générations qui arrivent sont plus poreuses aux préjugés antisémites que les générations précédentes », explique Yonathan Arfi, en identifiant « trois carburants » à ce phénomène : « La haine d’Israël, l’islamisme et le complotisme ».
Dans un pays qui abrite la plus grosse communauté juive d’Europe (environ 500 000 personnes), le Crif constate une « explosion » (+1 000 %) des actes antisémites après le 7 octobre. Durant les trois mois qui ont suivi, leur nombre « a égalé celui des trois années précédentes cumulées ».
« Le 7 octobre a servi de catalyseur à la haine, en activant un antisémitisme latent, et en désinhibant le passage à l’acte », estime Yonathan Arfi, selon qui la vision des civils israéliens massacrés a joué un rôle déclencheur dans ce phénomène.
En 2012 déjà, après l’attentat contre une école juive de Toulouse où trois enfants et un enseignant avaient été tués par le délinquant radicalisé Mohamed Merah, une hausse de 200 % des actes antisémites avait été constatée. La progression avait été de 300 % après l’attaque djihadiste contre le supermarché Hypercacher, en 2015.
« Après le 7 octobre, on aurait pu avoir un effet d’empathie, un effet vaccin, ça a été le contraire », soupire le président du Crif.
Ainsi d’une quarantaine chaque mois sur la période estivale, les actes antisémites sont passés à 563 en octobre, 504 en novembre et 175 en décembre. Une décrue en fin d’année « difficile à analyser » pour le président du Crif, qui reste prudent : « il y a eu les vacances, sans doute une baisse d’intensité… » « On reste très loin des chiffres d’avant le 7 », souligne-t-il, en déplorant le « manque de réprobation sociale de l’antisémitisme ».
Le Crif précise que le rapport a été réalisé « grâce aux remontées des commissariats et des gendarmeries, qualifié ensuite lors d’échanges mensuels avec le ministère de l’Intérieur et le SPCJ ».
Le Jacquemart (avec AFP)
Déjà publiés
* ACTU – Appel du Parlement européen pour la paix à Gaza / 24 janvier 2024
* LU/VU – Pour une paix juste et durable à Gaza. Qui, quand, comment ? [opinions] / 13 janvier 2024
* OPINION – « Cessez-le-feu ! » Le mantra des idiots utiles du Hamas / 6 janvier 2024 (conséquences politiques vues par Le Bien public : https://c.bienpublic.com/politique/2024/01/16/idiots-utiles-du-hamas-la-question-israelienne-dechire-encore-un-peu-plus-la-gauche-locale)
- TRIBUNE – Desserrer l’étau de l’antisémitisme (7 décembre 2023)
- ANALYSE – « Au nom de Dieu ! » La guerre apocalyptique du Hamas et de Netanyahou (28 octobre 2023)
- ÉDITORIAL – « Paix ! Sans cesse, encore et toujours… » (27 octobre 2023)
- OPINION – « Terrorisme ». Le sens des mots dits ou escamotés… Sur un mensonge par omission (13 octobre 2023)
- OPINION – « Terrorisme ». Le sens des mots dits ou escamotés… [suite] Sur un mensonge par omission – 2
- OPINION – « Terrorisme ». Le sens des mots dits ou escamotés… [fin] Sur un mensonge par omission – 3
Vient de paraître

Collectif, dir. Alexandre Bande, Rudy Reichstadt, Pierre-Jérôme Biscarat, Histoire politique de l’antisémitisme en France. De 1967 à nos jours, Robert Laffont, 2024
Alors que la question de l’antisémitisme reste prégnante au sein de notre société et suscite débats, interrogations et inquiétudes, alors que le discours de certains partis et personnalités politiques reste encore parfois ambigu à l’égard des Juifs. Et même si la bibliographie sur l’histoire de ce discours est riche, il n’existe à ce jour aucun ouvrage proposant une synthèse sur la place de l’antisémitisme dans la vie politique française. Les auteurs offrent ici une réflexion transversale proposant un éclairage sur l’antisémitisme contemporain au sein des partis et courants politiques. Il y est considéré sous toutes ses formes : le « complot juif », la négation de la Shoah, les tentatives de réécriture de l’histoire, l’antisionisme, etc.
