Les berges du Suzon, le 17 novembre 2022. Photo : © ISHTA

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Une autre idée de la ville est-elle possible ?

Demain, dimanche 20 novembre, sur les berges du Suzon, s’ouvrira un temps fort de la défense et de la restauration de la biodiversité à Dijon, selon un collectif « alerte béton », initiateur d’une pétition « Sauvons les berges du Suzon ». Un reportage sur le site nous a permis de voir une ripisylve subsistant le long du ruisseau, d’anciens vergers, des potagers, et de rencontrer l’un de ses riverains. Selon géographes et spécialistes de l’aménagement du territoire que nous avons consultés, la métropolisation, à la clef de ce type de projets immobiliers, doit être mise en question. Important débat en perspective…

Le 27 juin 2022, la Ville de Dijon a décidé de vendre ses terrains (1 hectare) à deux promoteurs immobiliers (4S Immo et Groupe Edouard Denis, filiale de Nexity), pour réaliser un projet d’écoquartier, dit « Venise 2« , sur une surface totale d’environ trois hectares, comprenant 37 logements collectifs et de 48 maisons.

« Un urbanisme incohérent »

Aujourd’hui, de nombreux citoyens de Dijon s’interrogent sur la pertinence de cette vente d’un espace vert, certes très en friche, par une Ville qui s’enorgueillit de faire du développement durable et de l’écologie urbaine une priorité.

Au cours de l’enquête publique de juin 2019 relative au nouveau Plan d’urbanisme de la métropole dijonnaise (PLUi-HD), habitants et associations avaient déjà exprimé leur désaccord avec un « plan incompatible avec les priorités environnementales, sanitaires et sociales imposées par les effets négatifs du changement climatique »[1]. En mars 2022, le collectif des associations de quartier avait dénoncé aussi « un urbanisme incohérent qui compromet la santé, le bien-être de la population et la biodiversité ».

Ripisylve, anciens vergers, potagers…

Le jeudi 17 novembre, nous nous sommes rendus sur le site du projet « Venise 2 ». Entre Suzon et route d’Ahuy, nous avons constaté que cet espace recèle encore une ripisylve (saules, arbustes, herbacées) le long du ruisseau, des arbres d’anciens vergers, des potagers et toute une faune qui se fait pourtant discrète à cette époque de l’année (nombreuses espèces de papillons[2], hérissons, chauve-souris…).

Cela fait pourtant plusieurs années que des investisseurs immobiliers lorgnent sur cet espace encore préservé.  Il y a maintenant six ans, comme nous l’a confié l’un des riverains, l’un d’entre eux, Promogim, condamné pour « complicité de travail illégal »[3], a démarché de façon insistante les habitants de la zone pour racheter leurs propriétés.

Une ville durable et régénérative

Habitants du quartier et Dijonnais venus de plus loin profitent, chaque jour, de la promenade du Suzon qui court sur l’autre rive. Est-il impossible d’imaginer l’intérêt écologique, climatique et pédagogique qu’il y a, dans les temps actuels, à conserver et développer un bien naturel commun ouvert au plus grand nombre, à la place de l’absurde projet immobilier « Venise 2 ».

Des alternatives à la « bétonisation » des espaces de nature en ville sont possibles et désormais nécessaires, afin de mettre enfin en œuvre la bifurcation écologique. Selon géographes et spécialistes de l’aménagement du territoire que nous avons consultés, celle-ci nécessite un arrêt de la métropolisation, ou du moins une mise en question[4], et exige la co-construction démocratique de projets urbains améliorant le « socio-écosystème » et projetant une ville non seulement vivable, mais aussi durable et régénérative[5].

A suivre.

Dominique Guidoni-Stoltz, avec Antoine Peillon


[1] Communique du 17 juin 2020, diffusé par un collectif de dix associations : « Réinventer la ville pour s’adapter aux urgences climatiques et sanitaires. »

[2] 58 espèces de papillons sont présentes, dont 7 espèces figurant sur la liste rouge des papillons de Bourgogne-Franche-Comté.

[3] La Cour d’appel de Chambéry a condamné la société Promogim à 210.000 euros d’amende pour « complicité de travail illégal », dans un jugement daté du 7 novembre 2013. Selon la Fédération du bâtiment de Haute-Savoie, partie civile, c’est la première fois qu’un client est condamné pour les actions de son sous-traitant.

[4] Un débat sera organisé, sur ce sujet crucial, au printemps 2023.

[5] Eduardo Blanco & Philippe Clergeau, « Projets urbains régénératifs : de l’idée à la méthode », Métropolitiques, 20 juin 2022.