Réduire les inégalités !
Par Marie-Thérèse Mutin *
Après un volet « Démocratie, laïcité, humanité : vouloir une société unie et plus juste ! », publié le 5 mars dernier et comprenant deux premiers « axes » d’action, Marie-Thérèse Mutin développe le troisième, consacré à la lutte contre l’aggravation des inégalités.
(Pour mémoire) Construire le projet autour de trois axes :
1) Revenir au combat collectif.
2) Construire une société plus soudée.
3) Réduire les inégalités.

Au libre-service solidaire du Secours populaire de Paris. Photo : ISHTA
3) RÉDUIRE LES INÉGALITÉS
a) Les services publics facteurs de lutte contre les inégalités.
b) Construire un nouveau contrat social
c) Une profonde réforme fiscale pour une meilleure redistribution des richesses
a) Les services publics facteurs de lutte contre les inégalités
Pour que les services publics soient un moyen de lutte contre les inégalités, il faut abandonner la notion capitaliste de rentabilité et revenir à la philosophie initiale : des instances au service de tous les publics sans distinction de fortune. En finir avec la mise en concurrence, les privatisations.
Ce changement radical sera long et difficile. Il convient de commencer dès maintenant à chercher des solutions avec les fonctionnaires de ces services, les usagers, les syndicalistes, les économistes, les sociologues, les scientifiques… car il faut prendre en compte les évolutions technologiques.
C’est de la confrontation des expériences et des idées que naîtront les solutions et seul un parti peut rassembler et fédérer toutes les initiatives.
b) Construire un nouveau contrat social
Construire un nouveau contrat social nécessite de bien analyser les différentes formes de travail, les technologies nouvelles qui le transforment : robotisation, uberisation, micro-entreprenariat (EURL , EARL SASU, IA…), travail à domicile…
1) Pour les travailleurs salariés
Le contrat social ne peut se concevoir sans les syndicats de travailleurs salariés et patronaux. La première des choses à faire pour un gouvernement de gauche c’est de redonner du pouvoir aux syndicats en rétablissant les structures comme le CE (Comité d’entreprise) ou le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) avec des heures de délégation pendant lesquelles les délégués pourront recenser les problèmes, étudier le code du travail pour tenter de les résoudre et négocier d’égal à égal avec le patronat ; ils pourront aussi renforcer les unions départementales qui s’occupent des travailleurs isolés,
Développer l’économie sociale et solidaire (lire les articles de notre ami Jean-Louis Cabrespines), approfondir le travail fait par Benoît Hamon, ministre de ce secteur de 2012 à 2014…
2) Pour les travailleurs isolés
Prendre conscience des nouvelles formes de travail. L’auto-entrepreneuriat est apparu en 2009, sous la présidence Sarkozy, concrétisant ainsi le vœu de Raymond Barre (« Que les chômeurs créent leur entreprise ») sans soulever cette fois beaucoup d’indignation chez les travailleurs ! En revanche, il s’est très vite imposé comme un beau cadeau aux employeurs, beaucoup se jetant dessus, voyant dans ce statut l’opportunité rêvée de s’offrir des travailleurs corvéables et jetables, privés de la protection du Code du travail et des conventions collectives, et de s’émanciper des cotisations sociales. Derrière le discours sur l’autonomie, l’indépendance, la liberté d’être son propre patron, il y a en réalité une exploitation capitaliste sauvage, libérée des garde-fous qu’impose encore le salariat.
Si pour les travailleurs, le travail indépendant peut paraître séduisant car il permet davantage de liberté dans l’organisation de son temps, il est aussi vecteur d’incertitudes et d’insécurité.
c) Une réforme fiscale d’envergure
Macron promet encore des baisses d’impôts pour les classes moyennes qu’il veut séduire alors qu’il y a 10 millions de Français qui vivent sous le seuil de pauvreté, qui ont de plus en plus de mal à se loger, à se nourrir, qui ne paient pas l’impôt sur le revenu.
Ne nous laissons par berner par ce slogan séduisant, d’abord parce que les baisses d’impôts les plus importantes ont été pour les grosses entreprises et les grosses fortunes, ensuite parce que cette baisse s’est faite au détriment des services publics.
Ce système qui favorise sans cesse les plus aisés est défendu par les Dominique Seux, Elie Cohen, Nicolas Bouzou, François Lenglet et consorts, ces économistes libéraux qui ont quasiment seuls droit de cité sur tous les médias contrôlés eux-mêmes par des milliardaires.
Il nous faut travailler à une réforme fiscale d’envergure avec les économistes opposés à l’orthodoxie néo-libérale, avec ceux qui ont réussi à obtenir une petite place dans les médias précités souvent grâce à une reconnaissance internationale, comme Thomas Piketty, pour son ouvrage Le Capital au XXIe siècle (Seuil, 2013), Esther Duflo, prix Nobel d’économie en 2019, ou comme Dominique Méda, ou Thomas Porcher, militant politique, mais aussi avec les membres de l’association Les Économistes atterrés et autres qui viendront volontiers travailler à un programme de gauche.
Quelques pistes :
Revenir au consentement à l’impôt : contrairement à ce que pense Macron, les contribuables consentent volontiers à l’impôt s’il savent à quoi il sert et notamment s’il sert au bon fonctionnement des services publics.
Lutter contre la fraude fiscale des grosses fortunes protégées par le système en place, fraude estimée à 80 à 100 milliards d’euros par an (cf. Antoine Peillon, Ces 600 milliards qui manquent à la France, Seuil, 2012).
Dans les années 1980, il y avait 14 tranches d’imposition, ce qui permettait une progressivité plus importante. Il n’y en a plus que 5 à l’heure actuelle. Il est possible de jouer sur le nombre de tranches et sur le pourcentage de chacune.
Revoir la part patronale des cotisations que Macron ne cesse d’alléger.
Mieux imposer le capital (taxe sur les « robots » – taxe sur les actifs nets….).
Revoir la taxation sur les grosses successions à partir de 500 000 € et un barème très progressif (voir les propositions de Thomas Piketty, dans Capital et idéologie, Seuil, 2019).
À suivre
* Marie-Thérèse Mutin, écrivain, fondatrice et présidente des éditions Mutine, ancienne conseillère régionale en Bourgogne et députée européenne socialiste (PS), ancienne première secrétaire de la fédération PS de Côte-d’Or, ancienne membre des conseil national et bureau national du PS.
Marie-Thérèse Mutin a déjà publié dans nos pages :
- MUTINERIES #1 – Précariat et revenu universel d’existence (novembre 2022)
- MUTINERIES #2 – « Front de classe » : une contrefaçon (décembre 2022)
- LIVRE – « Graines d’Engrenage », la leçon du futur (septembre 2023)
- TRIBUNE – Union des gauches : pour un nouveau projet – 1 (30 octobre 2023)
- TRIBUNE – Union des gauches : pour un nouveau projet – 2 (17 novembre 2023)
- TRIBUNE – Union des gauches : pour un nouveau projet – 3 (21 janvier 2024)
- TRIBUNE – Union des gauches : pour un nouveau projet – 4 (13 février 2024)
- TRIBUNE – Union des gauches : pour un nouveau projet – 5 (5 mars 2024)
