Démocratie, laïcité, humanité : vouloir une société unie et plus juste !

Par Marie-Thérèse Mutin *

Lorsqu’on aura réuni ceux qui partagent ce constat dans une même structure, il faudra passer à la phase projet : construire ensemble un projet anticapitaliste cohérent. Et d’abord  bien être d’accord : l’argent est un moyen et non un but ultime. La formation des citoyens, l’organisation de la vie collective sont indispensables à la bonne marche de notre République. La mobilisation continue de tous est indispensable pour ne pas céder aux forces du grand capital et des ses lobbys.

Construire le projet autour de trois axes :

1) Revenir au combat collectif.
2) Construire une société plus soudée.
3) Réduire les inégalités.

1) REVENIR AU COMBAT COLLECTIF

Lorsqu’en 1980, le premier ministre de Giscard d’Estaing, M. Barre, déclare: « Les chômeurs pourraient essayer de créer leur entreprise au lieu de se borner à toucher les allocations de chômage ! ». Le tollé est immense. Syndicats et partis politiques dénoncent cette attaque du contrat social. Cette provocation est un facteur supplémentaire de mobilisation de l’ensemble la gauche qui mènera à la victoire de 1981.

À l’heure actuelle, le démantèlement méthodique du contrat social par Macron suscite des manifestations spontanées, des révoltes et même des émeutes défensives et désespérées, parce qu’elles ne se rattachent à aucune perspective politique constructive clairement identifiée.

Le parti a pour vocation de faire advenir “la convergence des luttes”, c’est à dire de montrer que les luttes concernent tout le précariat.

Il s’agit donc de défendre et parfois de rétablir les acquis des luttes précédentes, de définir les priorités à développer, l’objectif étant : construire une société plus soudée, plus juste où chacun aura sa place, son utilité.

2) CONSTRUIRE UNE SOCIÉTÉ PLUS SOUDÉE

a) Restaurer la démocratie.
b) Vivre ensemble : la société laïque.
c) Remettre de l’humain dans la vie quotidienne.

  • a) Restaurer la démocratie
    Comment faire de la politique sans un minimum de confiance et de respect entre le peuple et ses représentants. Pour être respecté, il faut être respectable. Contrairement à ce que croient nombre d’élus, les électeurs n’attendent pas d’eux qu’ils se comportent comme “monsieur tout le monde”.
    Comble du mépris, ces hommes et femmes politiques issus des grandes écoles ou de la « classe politique » qui se coopte, croient se rapprocher du peuple en parlant vulgairement. C’est Bruno Le Maire qui parle d’avoir des couilles, Nathalie Kosciusko-Morizet qui traite Jean-François Copé de « merde » et s’en enorgueillit… Ils n’ont rien compris ! Les gens du peuple ont besoin de respecter leurs dirigeants, ils n’acceptent pas ces singeries qui les rabaissent eux aussi. Je me souviens de mon ami Jean Oehler, un des rares ouvriers député, se mettant en costume cravate pour aller saluer ses anciens camarades de travail. Alors que je m’en étonne, il me répond : « C’est une marque de respect envers eux, je suis leur député et je me dois de leur faire honneur. » Ce constat est fait en 2016.
    Or avec Emmanuel Macron, cela s’est aggravé. Il a dévalorisé la fonction présidentielle par un comportement infantile et incohérent : singer la simplicité, vouloir « faire peuple » en parlant trivialement et, « en même temps », tenter de se donner une stature respectable en se servant de la gloire des anciens, dans des commémorations où il prononce de longs discours grandiloquents.
    Ce mépris et cette trivialité ont gagné toute la classe politique. Le spectacle donné en séance publique à l’Assemblée nationale est affligeant. C’est dans cette instance que devraient se mener les débats de fond, s’échanger les arguments rationnels pour ou contre tel projet de loi et on assiste, en réunion publique, à une suite d’invectives, d’insultes, à un brouhaha qu’on n’accepterait pas dans une cour d’école.
    Il faut perdre l’habitude de la réponse à l’événement sous le coup de l’émotion, avant toute analyse sérieuse, sur chaque fait divers. Analyser avant de commenter et résister au diktat des médias. Les moyens de communication actuels devraient permettre une concertation rapide entre les responsables pour élaborer une réponse cohérente du parti, exprimée par les porte-paroles désignés démocratiquement, afin d’éviter ces polémiques stériles qui bien souvent occultent l’essentiel.
  • b ) Pour vivre ensemble : la laïcité
    Article premier de la Constitution  : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »
    Et pourtant, jamais la France n’a été autant divisée. Fleurissent des communautés de toutes sortes, des clans, des gangs qui se juxtaposent quand ils ne se combattent pas !
    Comment en est-on arrivé là ? Une grande partie de la gauche a abandonné  le combat laïque, par peur ou par électoralisme.
    En novembre 2023, deux déclarations résumaient parfaitement cet abandon :
    1 ) Celle de François Ruffin, se démarquant de Jean-Luc Mélenchon, à propos de deux agressions. Dans la Drôme, celle qui provoqua la mort du jeune Thomas, et dans le Val-de-Marne, celle du jardinier Mourad, gravement blessé : « Une ambiance pesante, insidieuse, non dite, règne dans les médias, sur les réseaux sociaux : comme s’il fallait choisir son camp, selon l’origine réelle ou supposée des victimes ou des agresseurs, “Être Thomas” ou “être Mourad”. »
    2 ) Celle de Luc Carvounas, maire socialiste d’Alfortville, au congrès des maires : « Je suis le maire des communautés. » Le maire des communautés !!! Quelle déviance ! Un maire, comme n’importe quel élu, gère la communauté nationale.

Si nous voulons éviter l’uniformisation qui nie l’identité de chacun et la société des ghettos qui nourrit le racisme, la haine et la violence, il n’y a rien d’autre que le partage laïque !

Il faut réapprendre aux élus,  et d’abord au président de la République, ce qu’est la laïcité. Dans son discours programme de la campagne de 2022, Emmanuel Macron lance à deux reprises la formule « Liberté, égalité, fraternité, laïcité », un ajout à la devise républicaine qui lui permet de s’afficher en défenseur de la République laïque. Or, si dans la Constitution, la laïcité ne figure pas dans la devise, mais dans l’article 1, c’est bien parce que ce sont des notions différentes : La Liberté, l’Égalité, la Fraternité sont des valeurs absolues vers lesquelles il faut tendre et, pour cela, l’article 1 fixe le cadre politique et juridique (indivisibilité, laïcité, démocratie) qui permettra de les atteindre.

Dans un état laïque, chacun a le droit de juger de tout, chacun a le droit d’être formé à juger de tout. La laïcité, c’est la liberté de conscience et d’expression, sans que les croyances des uns les autorisent à limiter la liberté de parole des autres. La religion est une affaire privée et doit rester dans le domaine privé.

Dans un état laïque, l’argent public (État, collectivités locales) ne peut être accordé qu’à des services publics ou à des associations laïques. Les associations cultuelles ne devraient pas recevoir de subventions publiques.

La laïcité, c’est le respect mutuel. Tout commence à l’école : respect des règles, respect des élèves pour le maître, respect du maître pour les élèves, pour les parents…

La laïcité, c’est, dès l’école, dès l’enfance, l’apprentissage de la confrontation, de la coexistence de pratiques culturelles différentes.

  1. Il faut revenir à une République laïque et, pour cela, former les fonctionnaires à la laïcité, en tout premier lieu les enseignants bien sûr, mais aussi les policiers. À chaque manifestation de violence, avec Macron, un seul remède : augmenter le nombre de policiers, des jeunes gens formés à la va-vite en 8 mois ou un an.
  2. D’après le sociologue Sébastian Roché : « Lorsque vous donnez une formation de 12 mois en école, vous n’avez pas le temps de faire une formation complète, une formation éthique des agents. On apprend aux policiers à se faire respecter par la force. En Allemagne et au Danemark, en 3 ans de formation, on apprend aux policiers à se faire respecter par leurs capacités à communiquer.« 
  3. Avec des policiers formés à la laïcité, on pourra revenir à la police de proximité mise en place par le gouvernement Jospin en 1998 et supprimée par Sarkozy en 2003.
  4. Il faut revitaliser les associations du mouvement d’éducation populaire, les clubs sportifs, créer des postes d’éducateurs formés qui offriront aux jeunes des activités saines.

c) Remettre de l’humain dans la vie collective

Les nouvelles techniques de communication ont déshumanisé la société.

1) À présent, pratiquement toutes les démarches administratives sont informatisées. C’est une source d’angoisse pour les personnes qui n’ont pas accès à internet et d’exaspération pour ceux qui ayant besoin d’une explication ou de rectifier une erreur sont baladés de “taper 1” en “taper 2”, “taper 3”…, sans jamais entendre une voix humaine !

2) À cette complexité, s’ajoute l’augmentation incessante des contraintes administratives qui alourdissent le travail des fonctionnaires, qui plombent tout esprit d’initiative. Les décrets d’application des décisions gouvernementales se succèdent à une telle rapidité et parfois s’annihilent avant que les fonctionnaires les aient appréhendés… Du coup, il y a flottement aux guichets (quand ils ne sont pas remplacés par des machines), énervement et exaspération des fonctionnaires et des usagers.

3) Dans les services ouverts au public, remettre des hommes et des femmes aux caisses des magasins, aux guichets des gares, de la Poste, des administrations (CAF, SS, CPAM, Impôts…).

À suivre

* Marie-Thérèse Mutin, écrivain, fondatrice et présidente des éditions Mutine, ancienne conseillère régionale en Bourgogne et députée européenne socialiste (PS), ancienne première secrétaire de la fédération PS de Côte-d’Or, ancienne membre des conseil national et bureau national du PS.

Marie-Thérèse Mutin a déjà publié dans nos pages :