Par Christine Renaudin-Jacques

Quelle soirée extra-ordinaire !

Tout y était : le décor et l’apparat des grandes occasions républicaines, la mise en scène grotesque comme dans les meilleurs moments d’un Zénith, le drapeau bleu-blanc-rouge et le drapeau européen entremêlés sur la scène, le pupitre décoré à l’effigie d’un logo de la ville revisité et fait maison, les petites marques à terre pour indiquer aux adjoints et aux invités (conseillers départementaux et député) où ils devaient se placer pour « ne pas faire d’ombres malencontreuses »… Quatre ou cinq écrans géants avaient été répartis pour retransmettre « la cérémonie » dans une petite salle, au cas où, de loin, le plus petit d’entre nous n’aurait pu apercevoir le personnage principal du spectacle.

Honoré Daumier, « La cour du roi Petaut », 1832.

Absolument tout, dans cette mise en scène, annonçait, normalement, la venue d’un grand homme, d’un dignitaire de la Nation, d’un invité exceptionnel, presque celle d’un président de la République. Mais, ce ne fut qu’un « petit homme » qui apparut, suivi de sa cour [sa basse-cour], qui se hissa sur la scène, un petit drapeau bleu-blanc-rouge à la boutonnière, dont on ne sait ce qu’il pouvait symboliser réellement, vêtu de son petit costume foncé, cintré jusqu’à en être étriqué, ses petites chaussures pointues à la mode d’hier et sa parole vaniteuse, digne d’un windberg (traduction littérale : une montagne de vent !).

Et j’avais bien cette chanson de Brel à l’esprit, « Ces gens-là » :
« Qui fait ses p’tites affaires
Avec son p’tit chapeau
Avec son p’tit manteau
Avec sa p’tite auto
Qu’aimerait bien avoir l’air
Mais qui a pas l’air du tout… »

En effet, le discours de vœux du « petit homme » fut à sa hauteur : lyrique, emprunté, mal ficelé, mal embouché, mal énoncé et creux. La tradition qui veut que des vœux puissent être un moment de concorde, d’apaisement et d’espoir de jours meilleurs à destination de tous n’a évidemment en rien été respectée. Ce ne furent qu’autosatisfaction, ressentiment, attaques en tout genre contre les uns et les autres, soit une sorte de réquisitoire asséné sur un ton de « grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf ». Nul n’aura pu retenir quoique ce soit dans ce galimatias.

La cérémonie fut ponctuée par une vidéo à la gloire des Jeux olympiques ! Ce petit film de deux ou trois minutes, dont aucune image n’avait été filmée sur place, était empreint d’immodestie : un truc libre de droits, un de ces mauvais clips publicitaires qui se passe… en Hollande ou en Suède, bien loin de notre territoire, et qui dépayse totalement le sujet.

L’acteur principal fut applaudi à tout rompre par les fans, les valets venus en représentation et les représentants des « forces vives » du territoire qui avaient surtout hâte d’aller boire un coup ! 

Bref, ce fut un grand moment de vacuité et de faux-semblant, une triste soirée, malheureusement ordinaire de nos jours, une sorte de mauvaise pièce de théâtre. Devant ce spectacle, j’étais envahie par une gêne diffuse, celle que l’on ressent quand on voit une personne se ridiculiser en jouant médiocrement un rôle pour lequel elle n’est, à l’évidence, pas faite.

Aussi, je conclurai par cette citation de John Petit-Senn : « L’orgueil et la vanité sont les échasses du sot ; mais elles ne le grandissent que pour le faire tomber de plus haut. »