Hommage aux victimes françaises du Hamas : la nouvelle provocation de la France insoumise (LFI) essuie la colère des familles et le désaveu populaire.

Par Antoine Peillon

Manifestation du dimanche 12 novembre 2023, à Dijon, contre l’antisémitisme. Photo : ISHTA

Un hommage national aux victimes françaises du Hamas sera rendu demain, exactement quatre mois après l’assaut du mouvement islamiste palestinien, au monument pour les victimes du terrorisme, sur l’esplanade des Invalides, à Paris. Selon les autorités françaises, quarante-deux citoyens français ou franco-israéliens ont été tués dans l’attaque perpétrée par le Hamas, le 7 octobre 2023.

La cérémonie, annoncée le 16 janvier, se déroulera aux Invalides, où chacun des « quarante-deux concitoyens décédés » sera représenté par une photographie, avec son nom, la plupart des victimes ayant été inhumées en Israël. Elle sera « placée sous le signe universel de la lutte contre l’antisémitisme et à travers lui (…) toutes les formes de haine, de racisme et d’oppression envers des minorités », selon l’Élysée. L’événement concernera aussi les quatre otages français du Hamas libérés et les six Français blessés lors des atrocités terroristes du 7 octobre, ainsi que les trois Français « toujours disparus et présumés otages ».

Dès le 23 janvier, la présidente du groupe des députés LFI, Mathilde Panot, avait prévenu qu’elle se rendrait à cet hommage, dans des termes clairement provocateurs : « Je serai présente (…) et j’ai demandé à ce qu’il soit rendu un hommage à l’ensemble des victimes françaises de cette guerre au Proche-Orient », donc y compris aux Franco-Palestiniens tués à Gaza par l’armée israélienne. Avant d’ajouter : « Je crois qu’il faut rendre hommage (…) aux Franco-Israéliens et aux Franco-Palestiniens qui sont morts, que ce soit dans les crimes de guerre commis par le Hamas ou dans les crimes de guerre commis par Netanyahu. »

Instrumentalisation

Aussi, cinq familles de victimes du Hamas et le collectif « No Silence » avaient demandé, dans un courrier adressé mardi 30 janvier au chef de l’État, que la présence du mouvement fondé par Jean-Luc Mélenchon soit « interdite ». « Entre indécence, absence de respect, relativisme et négationnisme, La France insoumise et ses porte-parole se sont illustrés par des propos gravissimes depuis le pogrom du 7 octobre », affirment-ils dans leur lettre. Le collectif et les familles accusent aussi LFI de « porter une très lourde responsabilité dans l’explosion de la judéophobie » dans le pays. Ils concluaient donc : « Il ne nous semble pas concevable qu’une force politique puisse, de près ou de loin, associer les terroristes du Hamas à cet hommage en l’instrumentalisant. »

#BringThemHomeNow

Dans un entretien donné à l’hebdomadaire Le Point et publié le 1er février, Olivier Jaoui[1], qui est à l’initiative de la lettre des familles de victimes du Hamas au président Macron et qui a créé l’association Vies Brisées – 7 Octobre, relevait : « À peine l’hommage a-t-il été annoncé que Mathilde Panot a déclaré sa participation, en dépit de l’absence d’invitation. » Avant de préciser : « En exprimant son désir de « rendre hommage à toutes les victimes », Mathilde Panot semble mettre sur un même plan toutes les parties impliquées. Assurément, les souffrances des civils gazaouis sont insoutenables. LFI exerce son droit de faire de la politique… »

« Tambouille idéologique »

Le lendemain, l’historien Marc Knobel, spécialiste de la diffusion de l’antisémitisme via Internet[2], enraciné depuis toujours « à gauche », exprimait sa révolte dans La règle du jeu : « En fait, dans votre communication, Mathilde Panot, vous renvoyez dos à dos l’organisation terroriste au pouvoir dans la bande de Gaza et Israël. Vous affirmez que (je cite) des « crimes de guerre » ont été commis de part et d’autre. Mais, dans cette tambouille idéologique, vous refusez toujours de qualifier le Hamas de mouvement terroriste. Alors, dois-je vous rappeler que le 7 octobre 2023 révèle les tréfonds putrides de la barbarie, parce qu’une horde islamiste déchaînée et ultra-fanatisée a attaqué Israël, violé des femmes, égorgé des enfants et des nourrissons, massacré des vieillards et des bébés ? »

Enfants otages du Hamas, par Joann Sfar (le 7 novembre 2023).

Dimanche 4 février, confirmant de fait l’instrumentalisation de l’évènement par son parti, le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, annonçait lui aussi sa présence. Et, aujourd’hui, LFI informait la presse que sa délégation sera composée de Manuel Bompard, coordinateur national du mouvement, Caroline Fiat, vice-présidente de l’Assemblée, Éric Coquerel, président de la commission des Finances, et Mathilde Panot elle-même…

Désaveu populaire

Pour mémoire, après les attaques du 7 octobre, qui ont entraîné la mort de plus de 1 160 personnes, en majorité des civils, les dirigeants de LFI avaient refusé de qualifier le Hamas de groupe « terroriste », préférant parler de « crimes de guerre ». La députée LFI de Paris Danièle Obono voyait même dans le Hamas un « mouvement de résistance »[3]

Selon un sondage CSA publié ce matin (6 février), 75% des Français estiment que les élus LFI n’ont pas leur place à la cérémonie d’hommage aux victimes du Hamas. Dans le détail, 76% des hommes interrogés estiment que les élus LFI ne doivent pas se rendre à cet hommage, tout comme 74% des femmes. Chez les moins de 35 ans, ils sont 59% de répondants à être de cet avis, contre 41% à penser que la France insoumise a bien sa place à la cérémonie. Pour les 65 ans et plus, la réponse est plus tranchée : 80% d’entre eux estiment que LFI n’a pas sa place à l’hommage, quand 19% pensent que si.

En tenant compte de la sensibilité politique des personnes interrogées, 50% des interrogés « de gauche » ne souhaitent pas la présence des élus LFI à l’hommage. Au centre de l’échiquier politique, 80% des sondés ne sont pas non plus favorables à la présence des députés insoumis. Au sein même de LFI, 21% des sondés pensent également que ces derniers n’ont pas leur place à la cérémonie.

Vox populi

À LIRE AUSSI :

·  OPINION – « Terrorisme ». Le sens des mots dits ou escamotés… Sur un mensonge par omission (13 octobre 2023)

·  OPINION – « Terrorisme ». Le sens des mots dits ou escamotés… [suite] Sur un mensonge par omission – 2 (16 octobre 2023)

·  OPINION – « Terrorisme ». Le sens des mots dits ou escamotés… [fin] Sur un mensonge par omission – 3 (20 octobre 2023)

* LU/VU – « Plus jamais ça ? » (25 janvier 2024)


[1] Olivier Jaoui est le cousin de Carmela et Noya Dan, assassinées par le Hamas lors du massacre commis au kibboutz Nir Oz, le 7 octobre 2023, et de Hadas Kalderon, dont les enfants, Sahar et Erez, ont été libérés le 27 novembre dernier. Leur père, Ofer, est toujours détenu par le Hamas.

[2] Ancien professeur d’histoire-géographie, Marc Knobel a été attaché de recherches au centre Simon Wiesenthal, à Paris. Il a été également vice-président de la LICRA et membre de l’Observatoire sur l’antisémitisme, rapporteur à la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), auteur d’une étude annuelle sur le racisme sur l’Internet, publiée dans le rapport annuel de la CNCDH, remis au Premier ministre. Il est aussi l’auteur, entre autres nombreuses publications, de : L’internet de la haine. Racistes, antisémites, néonazis, intégristes, islamistes, terroristes et homophobes à l’assaut du web, Berg International, 2012 ; Haine et violences antisémites. Une rétrospective : 2000-2013 – Menaces sur la République, Berg International, 2013 ; Cyberhaine. Propagande et antisémitisme sur internet, Hermann, 2021.

[3] Le 17 octobre 2023, la députée LFI Danièle Obono affirmait sur Sud Radio que « le Hamas est un groupe politique islamiste qui a une branche armée, et qui résiste à l’Israël », acquiesçant même à la dénomination « mouvement de résistance » proposée par son interviewer.