Par Antoine Peillon
« Sous le prétexte d’une attitude critique envers l’État juif et ses partisans, une antique passion inspirée par la haine continue à se frayer un chemin. »
Léon Poliakov, De l’antisionisme à l’antisémitisme, Calmann-Lévy, Paris, 1969, Avant-propos.
« L’antisionisme est une incroyable aubaine, car il nous donne la permission – et même le droit, et même le devoir – d’être antisémite au nom de la démocratie ! L’antisionisme est l’antisémitisme justifié, mis enfin à la portée de tous. Il est la permission d’être démocratiquement antisémite. Et si les Juifs étaient eux-mêmes des nazis ? Ce serait merveilleux. »
Vladimir Jankélévitch, L’Imprescriptible [1967], Seuil, 1986, cité dans Léon Poliakov, Histoire de l’antisémitisme 1945-1993, Seuil, 1994, p. 405.
« L’antisionisme et l’antisémitisme sont la même vilenie et produisent les mêmes effets. L’antisionisme est par excellence le nouvel antisémitisme. »
Paul Giniewski, Antisionisme : le nouvel antisémitisme, 2005, p. 8
In memoriam Christian Delacampagne
« Et comme je suis un philosophe européen, mes valeurs sont celles des Lumières. »
Islam et Occident : les raisons d’un conflit, PUF, 2003, pp. 150 et 151.
Encore aujourd’hui, j’observe, à Dijon, ce spectacle rituel, pitoyable, comme presque chaque samedi, d’un petit rassemblement des idiots utiles du Hamas, antisémites plus ou moins conscients (ah, le masque de l’antisionisme !), qui clament « Cessez-le-feu ! », et qui essaient de faire croire (mais qui les croit encore ?) qu’ils sont mobilisés pour « une paix juste et durable » entre Israéliens et Palestiniens.
Capture d’écran. DR
« Cessez-le-feu ! », revendiquent-ils, sachant, pour certains (les instigateurs), ou ne comprenant même pas (les idiots utiles) que ce slogan signifie, en réalité : « Victoire du Hamas, capitulation d’Israël. » Car bien évidement, un cessez-le-feu, surtout « durable » comme ils le réclament, ne se tournant que vers Israël, serait la planche de salut du Hamas, ce « mouvement de résistance » dont l’antisémitisme génocidaire n’entame en rien une complicité, voire une admiration à peine dissimulée envers lui, au nom de tous les « damnés de la Terre », de l’anticolonialisme recuit, de la soi-disant « insoumission »…
Le « cessez-le-feu ! » des idiots utiles* du Hamas (et de ceux qui les manipulent), scandé depuis le 8 octobre (commencement de la riposte israélienne aux atrocités terroristes du Hamas), est d’une telle absurdité, d’un tel irréalisme et tellement inimaginable pour toute personne ayant un minimum de notions militaires et géopolitiques ! Oui, il est tellement vain que le seul motif véritable de celles et de ceux qui le scandent, jusqu’à l’abrutissement, ne peut être que la haine, plus ou moins consciente, d’Israël et même des Juifs.
Terribles questions
Car, comment expliquer, autrement, que les mêmes n’ont jamais défendu, ni même évoqué, la seule et unique solution pour sauver la vie des civils de Gaza : que le Hamas libère tous ses otages encore vivants, rende les dépouilles de ceux qui sont morts sous sa garde, dépose les armes et se rende sans condition ? Comment se fait-il que tous ces militants pour « une paix juste et durable » n’aient jamais exigé cette seule et unique possibilité d’un… cessez-le-feu immédiat et définitif ?
Comment se fait-il qu’ils participent à ce point à la constante montée aux extrêmes qui nourrit la « guerre de civilisations » qu’ils affirment pourtant dénoncer ? Comment se fait-il qu’ils soient à ce point objectivement complices du martyre des dizaines de milliers de Gazaouis palestiniens, otages civils du Hamas, en évitant d’interpeller les premiers responsables terroristes et comptables islamistes de la guerre totale qui détruit le peuple dont ils s’affirment, pourtant, être les protecteurs ?
La réponse évidente à ces terribles questions est dans leur simple énoncé. L’antisémitisme est l’arrière-pensée – pour une part impensée – des plaideurs d’un « cessez-le-feu immédiat à Gaza ».
* L’expression « idiot utile » s’applique en politique à des personnalités qui servent des desseins divergents de leurs représentations authentiques, et se trouvent, bien que peut-être de bonne foi, utilisées, instrumentalisées ou manipulées.
LIRE AUSSI :
- TRIBUNE – Desserrer l’étau de l’antisémitisme (7 décembre 2023)
- ANALYSE – « Au nom de Dieu ! » La guerre apocalyptique du Hamas et de Netanyahou (28 octobre 2023)
- ÉDITORIAL – « Paix ! Sans cesse, encore et toujours… » (27 octobre 2023)
- OPINION – « Terrorisme ». Le sens des mots dits ou escamotés… Sur un mensonge par omission (13 octobre 2023)
- OPINION – « Terrorisme ». Le sens des mots dits ou escamotés… [suite] Sur un mensonge par omission – 2
- OPINION – « Terrorisme ». Le sens des mots dits ou escamotés… [fin] Sur un mensonge par omission – 3
- Une guerre déclenchée par l’attaque terroriste du Hamas contre Israël du 7 octobre 2023.
- Trêve du 24 novembre au 1er décembre 2023, rompue par le Hamas (un attentat revendiqué par le l’organisation terroriste fait quatre morts civils à Jérusalem et son communiqué appelle également à une « escalade de la résistance » contre Israël).
- Le « pogrom de Jérusalem » (4 et 7 avril 1920), à l’origine des conflit israélo-arabe et israélo-palestinien.
- Bibliographie sur le conflit israélo-palestinien : Georges Bensoussan, Les Origines du conflit israélo-arabe (1870-1950), PUF, collection Que sais-je ?, 2023 + Nathan Weinstock, Histoire de chiens. La dhimmitude dans le conflit israélo-palestinien, Mille et une nuits, 2004 + Nathan Weinstock, Terre promise, trop promise : genèse du conflit israélo-palestinien (1882-1948), Odile Jacob, collection « Histoire », 2011 + Henry Laurens, La Question de Palestine, tomes I, II, III, IV et V, Fayard, 1999/2002/2007/2011/2015 + Benny Morris, Victimes. Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Éditions Complexe, [1999] 2003 + B. Morris, The birth of the Palestinian refugee problem revisited, Cambridge University Press, 1988, nouvelle édition en 2004. Éviter les pamphlets d’Ilan Pappé, lequel est cité de façon obsessionnelle par tous les antisionistes radicaux, dont les motifs sont tellement douteux et les erreurs factuelles tellement nombreuses que Benny Morris voit dans son ex-disciple « au mieux l’un des historiens les plus bâclés du monde, au pire, l’un des plus malhonnêtes »…
Ressources
Collectif, dir. Alexandre Bande, Rudy Reichstadt, Pierre-Jérôme Biscarat, Histoire politique de l’antisémitisme en France. De 1967 à nos jours, Robert Laffont, 2024
Alors que la question de l’antisémitisme reste prégnante au sein de notre société et suscite débats, interrogations et inquiétudes, alors que le discours de certains partis et personnalités politiques reste encore parfois ambigu à l’égard des Juifs. Et même si la bibliographie sur l’histoire de ce discours est riche, il n’existe à ce jour aucun ouvrage proposant une synthèse sur la place de l’antisémitisme dans la vie politique française. Les auteurs offrent ici une réflexion transversale proposant un éclairage sur l’antisémitisme contemporain au sein des partis et courants politiques. Il y est considéré sous toutes ses formes : le « complot juif », la négation de la Shoah, les tentatives de réécriture de l’histoire, l’antisionisme, etc.
Prophète en son pays (L’Observatoire, 2023) couvre les quatre décennies pendant lesquelles Gilles Kepel a parcouru le monde arabe et musulman, de l’Égypte au Maghreb en passant par le Levant et le Golfe, ainsi que les « banlieues de l’islam » de l’Hexagone et de l’Europe. Kepel fut en effet le premier à identifier et à étudier les mouvements islamistes, lors de l’assassinat de Sadate, en 1981, et à observer la naissance de l’islamisme en France dans ses significations multiformes.
Malgré l’écho international de sa vingtaine de livres, traduits en de nombreuses langues, ses analyses se sont régulièrement heurtées aux idéologies dominantes à l’Université – du tiers-mondisme d’hier à l’islamo-gauchisme d’aujourd’hui – comme aux politiques à courte vue des dirigeants français et de leur administration.
Sa mise en perspective de l’évolution du jihad faisant désormais autorité, et ses réflexions sur le « jihadisme d’atmosphère » alimentant le débat public, il en éclaire ici la controverse avec humour et érudition, face à la déferlante woke qui menace les études circonstanciées de l’islam contemporain et obère la libre réflexion sur notre société française.
Dans « De la haine du Juif », Pascal Ory déjoue les pièges de l’histoire
En s’attaquant à la « question antijuive », l’historien décortique les différentes formes de judéophobie intervenues depuis l’avènement du christianisme, de l’antijudaïsme médiéval à l’antisionisme contemporain en passant par l’antisémitisme du XIXe siècle.
Le Monde du 3 décembre 2021
Pierre-André Taguieff : « Si les Juifs n’existaient plus, les antijuifs les réinventeraient »
Philosophe, politiste et historien des idées, Pierre-André Taguieff a publié récemment Sortir de l’antisémitisme ? (Odile Jacob), réflexion aussi bien sur l’histoire du concept que sur le mot lui-même au travers du cheminement et des variations idéologiques de nombreux intellectuels. Il a accepté de répondre aux questions de Marianne.
Marianne, le 3 mars 2022
Lecture de Jean-Bruno Renard, sociologue, pour la Revue des deux mondes (15 juillet 2022) : « Islamo-gauchisme, islamo-nazisme : les liaisons dangereuses ».
Revue de presse du Comité Laïcité République.
Quelques essentiels :
Léon Poliakov, De l’antisionisme à l’antisémitisme, Calmann-Lévy, 1969, 2016
Robert S. Wistrich (éd.), Anti-Zionism and Antisemitism in Contemporary World, New York University Press, 1990 (+ article de 2004 dans la Jewish Political Studies Review 16:3-4, automne 2004)
Raphael Israeli, « L’antisémitisme travesti en antisionisme » (traduction de l’anglais par Jean-Pierre Ricard), Revue d’histoire de la Shoah, n° 180, janvier-juin 2004
Paul Giniewski, Antisionisme : le nouvel antisémitisme, Cheminements, 2005
Caroline Fourest, La tentation obscurantiste, Grasset, 2005
Céline Pina, Silence coupable, Kero, 2016
Cent quarante-huit personnes sont tombées sous les balles du terrorisme islamiste en 2015, des milliers de jeunes sont radicalisés sur notre sol. À quelques kilomètres de Paris, certaines femmes ne vivent plus vraiment en France, ensevelies sous un linceul noir, assignées à résidence communautaire. La laïcité est combattue à l’école, à l’hôpital, dans les services publics comme dans les entreprises privées. On abandonne les Français de confession musulmane sous la coupe de l’obscurantisme.
Les islamistes ne sont grands que parce que nos politiques sont à genoux. Cet abandon défait la promesse de paix, d’égalité et de prospérité que nous espérions léguer à nos enfants. Soyons notre propre espoir. Nous avons dans notre histoire, nos principes et nos idéaux de quoi redonner sens à notre monde et renvoyer les islamistes à leur obscurité, revendiquons-les et utilisons-les. Et alors nous serons grands parce que nous serons debout !
Elhanan Yakira, Post-sionisme, post-Shoah. Trois essais sur une négation, une délégitimation et une diabolisation d’Israël, PUF, collection « Intervention philosophique », 2010
Depuis quelques années, la critique d’Israël a pris la forme d’une disqualification généralisée du sionisme. Ses enjeux sont désormais, explicitement, non pas la politique des gouvernements israéliens, l’occupation des territoires conquis en 1967 aux pays arabes ou les implantations juives dans ces territoires, mais la légitimité de l’idée d’un État juif et, donc, l’existence même d’Israël. Voici trois essais, relativement indépendants les uns des autres, ayant pour thème commun les différentes manières par lesquelles la Shoah est devenue un argument central dans la critique antisioniste et anti-israélienne. Par son rôle symbolique dans le discours antisioniste, la Shoah est devenue non plus un élément d’une « critique », mais une arme principale dans une lutte idéologique qui nie la légitimité d’une auto-détermination du peuple juif, et dont les enjeux sont non pas « l’occupation » mais l’existence même d’un État juif. Les trois études réunies dans ce volume analysent et critiquent, à partir du négationnisme de certaines courants de la gauche radicale en France, en passant par l’antisionisme des intellectuels occidentaux, le post-sionisme israélien pour terminer, avec Hannah Arendt, la dénonciation d’Israël.
Collectif, Yves Charles Zarka (dir.), Cités, n° 47/48, 2011, « Sionismes/Antisionismes »
Collectif, dirigé par l’historien Georges Bensoussan, Les Territoires perdus de la République : antisémitisme, racisme et sexisme en milieu scolaire, Mille et Une Nuits, 2002 ; (3e édition augmentée, Hachette, 2015, coll. « Pluriel »)
Antoine Spire, « Réponse à l’antisémitisme, réponse à l’antisionisme », dans le n° 127 – été 2004 – de Hommes et Libertés, revue de la Ligue des droits de l’Homme.
« Aujourd’hui, l’antisionisme, même s’il ne se veut pas antisémite, vise non seulement la politique oppressive d’Israël contre les Palestiniens, mais aussi Israël et son lien avec ses soutiens en diaspora qu’on accuse sans toujours aller y voir d’inconditionnalité ; il en vient à récuser l’existence même d’un État juif. C’est là que peut se nouer le lien entre antisionisme et antisémitisme : de l’antisionisme au vœu de disparition de l’État hébreu, il n’y a qu’un fil, et de la disparition de l’État hébreu à la haine de ceux qui militent pour le droit à l’existence de l’État d’Israël, il n’y a qu’un pas. »
Edward H. Kaplan & Charles A. Small, « Anti-Israel sentiment predicts anti-Semitism in Europe », Journal of Conflict Resolution, vol. 50, no 4, août 2006, p. 548-561.
« In the discourse surrounding the Israeli-Palestinian conflict, extreme criticisms of Israel (e.g., Israel is an apartheidstate,theIsraelDefenseForcesdeliberatelytargetPalestiniancivilians),coupled with extreme policy proposals (e.g., boycott of Israeli academics and institutions, divest from companies doing business with Israel), have sparked counterclaims that such criticisms are anti-Semitic (for only Israel is singled out). The research in this article shines a different, statistical light on this question: based on a survey of 500 citizens in each of 10 European countries, the authors ask whether those individuals with extreme anti-Israel views are more likely to be anti-Semitic. Even after controlling for numerous potentially confounding factors, they find that anti-Israel sentiment consistently predicts the probability that an individual is anti-Semitic, with the likelihood of measured anti-Semitism increasing with the extent of anti-Israel sentiment observed. » (Abstract)
Moishe Postone, textes traduits de l’anglais (États-Unis) et présentés par Olivier Galtier et Luc Mercier, Critique du fétiche-capital. Le capitalisme, l’antisémitisme et la gauche, PUF, 2013
Alexandra Laignel-Lavastine, La pensée égarée: Islamisme, populisme, antisémitisme : essai sur les penchants suicidaires de l’Europe, Grasset, 2015
Pierre Birnbaum, Sur un nouveau moment antisémite : « Jour de colère », Fayard, 2015
Jean Birnbaum, Un silence religieux. La gauche face au djihadisme, Seuil, 2016
Nonna Mayer, « Permanences et renouveau de l’antisémitisme en France », Communications, année 2020, n° 107, pp. 63-76
Michel Dreyfus, L’antisémitisme à gauche : histoire d’un paradoxe, de 1830 à nos jours, La Découverte, coll. « La Découverte-poche. Essais », 2011
Marc Hecker, Intifada Française ? : De l’importation du conflit israélo-palestinien, Ellipses, 2012 (livre intégralement en ligne sur le site de l’Institut français des relations internationales – IFRI)
Nonna Mayer, « Nouvelle judéophobie ou vieil antisémitisme ? », Raisons politiques, Presses de Sciences Po, numéro 16, « Antilibéralisme(s) », 2004 (intégralement en ligne)
Alain Finkielkraut, Au nom de l’Autre. Réflexions sur l’antisémitisme qui vient, Gallimard, 2003
Shmuel Trigano (dir.), Le sionisme face à ses détracteurs, Raphaël, 2003
Joël Kotek, Dan Kotek, Au nom de l’antisionisme. L’image des Juifs et d’Israël dans la caricature depuis la seconde Intifada, Éditions Complexe, 2005
Pierre-André Taguieff, La nouvelle judéophobie, Mille et une nuits, coll. « Essai », 2002
Pierre-André Taguieff, La nouvelle propagande antijuive, PUF, 2010
Pierre-André Taguieff, Une France antijuive ? : regards sur la nouvelle configuration judéophobe : antisionisme, propalestinisme, islamisme, CNRS Éditions, 2015
Pierre-André Taguieff, L’Antisémitisme, PUF, collection « Que Sais-Je ? », 2015, 2022
Pierre-André Taguieff, Le nouvel opium des progressistes. Antisionisme radical et islamo-palestinisme, Gallimard, collection « Tracts », décembre 2023
« S’il est vrai que les passions antijuives se sont mondialisées, c’est avant tout parce qu’elles se sont islamisées. C’est sur la base de cette matrice théologico-politique islamique que s’opère aujourd’hui la démonisation des Juifs. L’islamisation de la « cause palestinienne » fournit à l’antisionisme radical, dont l’objectif est la destruction de l’État d’Israël, sa légitimation. En témoigne l’appel au jihad dans la Charte du Hamas : « Il n’y aura de solution à la cause palestinienne que par le jihad. » Pour l’extrême gauche occidentale, la « cause palestinienne » joue le rôle d’une nouvelle « cause du peuple » tandis que les « sionistes » sont diabolisés comme les nouveaux « nazis ». Mais la vision islamiste apocalyptique du « combat final » contre les Juifs, censés incarner l’ennemi absolu, voire le Mal, confère une dimension sacrale à la lutte contre Israël et le « sionisme mondial ». La lutte contre les Juifs redevient la voie de la rédemption. C’est pourquoi les convergences entre les gauches radicales et l’islamisme mondialisé sont si inquiétantes. »
Michel Wieviorka (dir.), La tentation antisémite : haine des Juifs dans la France d’aujourd’hui, Robert Laffont, 2005 ; Hachette littératures, coll. « Pluriel : actuel », 2006
Ce livre expose les conclusions d’une longue enquête conduite par une équipe de sociologues dirigée par Michel Wieviorka dans plusieurs lieux (à l’école, à l’université et en prison ; à Roubaix, à Marseille, en région parisienne et en Alsace) pour évaluer la réalité de l’antisémitisme dans la France contemporaine. Opposant aux assertions catastrophistes comme aux dénégations outragées la réalité des faits, ce livre n’évite aucune question gênante. L’antisémitisme en France est-il lié à l’existence d’une importante population musulmane comme l’assure une idée répandue ? Doit-il beaucoup à la rencontre de l’islamisme et d’une extrême gauche résolument antisioniste ? Le phénomène est-il favorisé par la tendance au communautarisme des Juifs de France ? Trouve-t-il un débouché dans une extrême droite puissante, comme semble en témoigner la situation alsacienne ? Rencontre-t-il dans l’institution scolaire un espace favorable susceptible de le rendre vivace ?

Tous les rapports annuels sur l’antisémitisme en France.
***
Voir ce que l’on voit
Publié le 26 octobre 2023, par le Printemps républicain
On connaît la phrase de Charles Péguy : « Il faut toujours dire ce que l’on voit ; surtout, il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit ». Et parce qu’aujourd’hui nous voyons bien, nous voulons dire clairement ce qui se voit si bien :
Le 7 octobre dernier, les attaques terroristes du Hamas contre la population israélienne ont créé une onde de choc qui résonne dans les sociétés européennes comme dans le monde entier et dont on peine encore à mesurer l’étendue. Pourtant, nous savons ce qu’il s’est passé ce jour là.
Le 7 octobre 2023, le mouvement terroriste Hamas a non seulement commis un attentat de grande ampleur, il a surtout perpétré un pogrom antisémite, le pire massacre de Juifs depuis la Seconde Guerre mondiale rappelant pour beaucoup les méthodes des Einsatzgruppen lors de la Shoah par balles. Partout où sont passés les tueurs du Hamas, tout le monde a été méthodiquement assassiné, brulé, décapité, violé, démembré ou enlevé pour être réduit en esclavage. Trente-cinq de nos concitoyens ont été tués dans cet attentat et neuf autres sont retenus prisonniers à Gaza.
Une volonté génocidaire rendue plus abjecte encore par la mise en scène des massacres et leur diffusion quasiment en direct sur les réseaux sociaux. Un « pogrom 2.0 » qui sidère l’opinion mondiale autant qu’il la clive soulevant pour une partie d’entre elle un réflexe antisémite immédiat – ce qui était ans doute l’un des buts recherchés.
De fait, les images qui nous arrivent sont terribles. Elles n’appellent que le recueillement et la peine. Mais le moment est si grave qu’il nous a semblé qu’il était de notre responsabilité, en tant que républicains de gauche, de dire aussi tout ce qu’on l’on voit en ce moment.
Nous avons vu le leader autoproclamé de la gauche, Jean-Luc Mélenchon, refuser de qualifier le Hamas de « terroriste », ne lui concédant que des « crimes de guerre » immédiatement équilibrés dans son esprit par la riposte israélienne ; puis attaquer indignement la Présidente de l’Assemblée nationale avec des paroles qui sont celles d’un antisémite.
Dans la foulée de leur mentor, nous voyons certains élus de gauche prendre fait et cause pour le Hamas élevé au rang de « résistance palestinienne » ; une rhétorique qui permet d’absoudre les massacres sans le dire explicitement. On pense bien sûr ici à la cheffe de file des Insoumis à l’Assemblée, Mathilde Panot, mais aussi aux députés Danièle Obono, David Guiraud et Thomas Portes ; ils ne sont malheureusement pas les seuls… C’est en réalité la haine d’Israël qui les transforme en soutien de l’idéologie islamiste du Hamas et en relais zélés de sa propagande, comme si tout sens de la nuance avait abandonné ces gens pourtant doués de raison et de sensibilité.
Nous voyons, en France, des manifestations propalestiniennes au cours desquelles sont scandés des slogans purement et simplement antisémites. Crier « Palestine : De la mer au Jourdain » n’est pas une critique du « sionisme » ou de la politique du gouvernement israélien, c’est tout bonnement demander la destruction définitive d’Israël. Sans compter le nombre de pancartes complotistes niant la réalité du massacre de bébés israéliens, par exemple.
Plus largement encore, nous avons vu dans les capitales européennes flotter le drapeau d’Al Qaida et de l’État islamique. Nous avons vu, chez nous et ailleurs dans le monde, des étudiants juifs harcelés et attaqués. Nous voyons des jeunes gens a priori bien éduqués arracher les affichettes montrant le visage et donnant le nom des otages retenus à Gaza.
Résultat, en France, le nombre d’actes antisémites constatés par le ministère de l’Intérieur a bondi et dépasse en bientôt trois semaines le nombre total d’actes répertoriés durant toute l’année 2022. Nos concitoyens juifs sont inquiets, c’est légitime. Pourtant cette situation devrait créer un sursaut et il n’en est rien. La société ne réagit pas. Pire, on nous presse de ne pas « importer le conflit israélo-palestinien » en France. La belle affaire ! C’est l’antisémitisme qui se révèle et flambe à son contact…
Pourquoi ? Pourquoi une telle incapacité à faire preuve d’un réflexe de simple humanité face à ces crimes ? La réponse est simple, basique : il s’agit d’Israël. Donc des Juifs… Et l’antisémitisme couve encore dans nos sociétés : un « vieil » antisémitisme issu du catholicisme et du nationalisme d’extrême-droite qui voit Rivarol féliciter Jean-Luc Mélenchon mais aussi un « nouvel » antisémitisme issu du monde arabo-musulman que l’on a vu à l’œuvre lors des attentats de 2012 et 2015 en France.
La rhétorique de l’extrême gauche proclame « toutes les vies se valent ». Oui, toutes les vies se valent, mais les bourreaux et les victimes ne se valent pas. Il y a un agresseur, le Hamas, et un agressé, Israël. Une rhétorique redoutable se met en place qui consiste à dire qu’il y a alors une victime qui se défend comme elle peut, les Palestiniens, et donc un coupable – et un seul : Israël. Israël, mais en fait les Juifs, sinon pourquoi les pourchasser dans le monde entier ?
Israël parlons-en. Soutenir Israël aujourd’hui ne veut pas dire soutenir la politique du gouvernement Israélien. Cela signifie seulement que nous compatissons à ce que subit la population attaquée de la sorte. Nous, Français, savons ce que ce que signifie être touché par le terrorisme islamiste. En revanche, notre compassion ne vaut pas caution de bombardements indiscriminés qui toucheraient les populations civiles palestiniennes et créeraient de nouveaux drames ; elle ne vaut pas soutien à la colonisation ni aux crimes perpétrés par les Colons dans les Territoires occupés ; elle ne donne pas quitus au gouvernement pour mener les réformes antidémocratiques qu’il prévoyait.
Si Israël a le droit de se défendre, Israël n’a pas tous les droits et ne saurait ignorer ses devoirs : ce pays et son peuple, Juifs comme Arabes, ne peuvent décemment plus vivre avec un voisin comme le Hamas – il doit être défait. Mais cet objectif ne donne aucun permis de tuer des civils et, au contraire, Israël a le devoir de tout faire pour les protéger et même les délivrer du joug du Hamas. Car si Gaza est bien une prison à ciel ouvert, les hommes du Hamas en sont les gardiens impitoyables qui se fondent cyniquement au milieu de ces civils prisonniers.
Face à toutes ces visions qui nous heurtent et nous désespèrent, le Printemps Républicain ne peut qu’appeler au rassemblement et à la concorde. Pour l’unité des Français autour d’un réflexe d’humanité, pour le sursaut de la gauche contre l’antisémitisme, ce « socialisme des imbéciles » qu’elle avait su rejeter pour s’unir et se refonder au moment de l’Affaire Dreyfus, nous appelons tous ceux qui « voient » à faire front ensemble.










Les commentaires sont fermés.