Par Thérèse Foucheyrand
« Ne pas perdre sa vie à la gagner. » Ce slogan , la CFDT l’a fait sien, il y a bien longtemps. Le sens en est clair : le travail salarié considéré comme but essentiel de l’existence est néfaste à la vie. « Travail salarié », la précision n’est pas anodine. Le mot « travail » est si souvent employé à tort et à travers, que l’on ne sait plus de quoi on parle.

« Amine et la Goule », illustration du Conte de Sidi Nouman des Mille et Une Nuits, 1840. DR
« Les écoliers doivent travailler » : des enfants qui n’ont pas dix ans ne sauraient être des travailleurs… Une femme au foyer est une « femme qui ne travaille pas » ; mais, qui donc mène les enfants à l’école, fait la vaisselle, le ménage, la cuisine, etc. ? Et la même femme est en « travail » lorsqu’elle est sur le point d’accoucher…
Employer le mot « travail » sans autre précision, tout en l’associant à des valeurs morales, est une habile ruse langagière pour nous culpabiliser, si nous ne pouvons ou ne voulons accepter celui-ci. Le « travail » serait donc l’une des vertus indispensables à la constitution de « l’honnête homme ». Mais, sans salaire, que devient cet « honnête homme » ?
Le travail salarié a une valeur purement économique : Il peut se résumer à un échange entre des aptitudes particulières d’un individu et un salaire permettant l’acquisition de biens nécessaires à la subsistance. À cette allégation, je dis, tel Cyrano : « Ah ! Non c’est un peu court jeune homme. » Car, il faut considérer ce mécanisme comme existant à l’intérieur du capitalisme libéral, celui-ci tirant à hue et à dia entre la croissance et la consommation. Ces deux goules exigeant de plus en plus de travail et de plus en plus de consommation, encore et encore.
D’aucuns ont pensé que pour éviter de continuer à remplir sans fin cette sorte de tonneau des Danaïdes, il s’agirait de ne plus rendre le salaire entièrement dépendant du travail. Le salaire est au moins nécessaire à notre subsistance, composée des besoins primaires humains : se nourrir, s’abriter, se vêtir. Marchandiser les éléments qui nous permettent seulement de survivre est injuste. Si l’État donne à chacune et chacun une somme permettant juste de satisfaire ces besoins, ces personnes accéderons au superflu par le biais du travail salarié. Cette théorie s’appelle « le revenu universel ». Il a été expérimenté, avec un certain succès, dans des pays européens, mais il s’est heurté aux arguments moraux dans lesquels on enferme les notions de travail : « Recevoir de l’argent sans contrepartie d’un travail est immoral. Notre société ne s’en remettrait pas. » Mais peu de gens ont pris la peine d’examiner sérieusement les compatibilités économiques des expériences de revenu universel.
En attendant, le malaise à propos du travail salarié ne fait que croître…
