Par Thierry Falconnet,
maire de Chenôve, vice-président de Dijon Métropole

EXCLUSIFDans la nuit du 21 au 22 juin, à Chenôve, un incendie a eu lieu à proximité immédiate d’un bar de nuit, dont on entend dire qu’il pourrait être une « lessiveuse » de l’argent sale du trafic de drogue. Il y a quelques mois, la façade de cet établissement avait été criblée de balles de fusils d’assaut. Le mois dernier, un homme était exécuté, dans une commune voisine de la Métropole dijonnaise, après une rixe au pied d’un point de deal, une attaque – toujours au fusil d’assaut – de la cage d’escalier où se faisaient les transactions répondant ensuite à ce crime en guise de représailles. Régulièrement, des « guetteurs » sont « mis à l’amende » – entendez molestés, battus, parfois jusqu’à la mort – pour avoir été interpellés par les forces de l’ordre et avoir commis une « faute professionnelle ». Tout cela, bien sûr, filmé par des complices et publiés sur les réseaux sociaux à titre d’avertissement pour les autres « employés »…

Vivre dans la peur

Dans ce domaine d’activités illicites, pas de code du travail ou de dialogue social : tout se règle par le sang versé, par la menace et le meurtre. « Tant qu’ils se tuent entre eux », me direz-vous ? Sauf que ces faits se déroulent en ville, dans des quartiers d’habitat dense – voire résidentiels – et que les habitants, les honnêtes citoyens de nos communes, sont autant d’otages d’une situation qui s’est aggravée en quelques mois, qu’ils vivent dans la peur pour eux, leurs enfants et leurs proches. Les services aux usagers et leurs agents (professionnels de santé, d’accompagnement social, employés d’entretien ou de propreté, conducteurs de bus ou de tramway, sapeurs-pompiers…) subissent eux aussi cette pression, désertent – bien malgré eux – ces « zones à risque », exercent légitimement leur droit de retrait face au danger patent que représentent ces annexions de l’espace public par les dealers.

Ces différents épisodes de règlements de comptes entre réseaux rivaux du commerce des stupéfiants montre le niveau de violence qui s’est installé dans nos communes, car le cas de Chenôve n’est absolument pas isolé, au sein de la métropole dijonnaise d’abord, dans notre pays ensuite. Chacune et chacun le sait !

Action policière, à Chenôve, sur un point de deal, en septembre 2022. Capture d’écran.

En 2022, le chiffre d’affaires du trafic de stupéfiants en France est estimé à 2,7 milliards d’euros, soit 0,1% du PIB (250 milliards de dollars dans le monde en 2022), dont 48% générés par la seule vente du cannabis. Considéré comme le premier « marché criminel » en France, il a pris une ampleur sans précédent ces dernières années et mine littéralement de nombreuses communes, de nombreux quartiers, partout dans notre pays, avec environ 3 200 points de deal identifiés par le ministère de l’Intérieur. La crise sanitaire et les confinements, s’ils ont pu ralentir un temps ces activités, ne les ont pas stoppées et le retour à la normale a vu la reprise et l’accélération des trafics.

Face à ce phénomène, le gouvernement a mis en place une stratégie de lutte, en 2019, comportant cinquante-cinq mesures, dont la création de l’Office anti-stupéfiant (OFAST) rattaché au ministère de l’intérieur. L’OFAST est composé de 160 agents (policiers, gendarmes, douaniers), au niveau central de cet office, dont l’action est relayée par treize antennes et onze détachements déployés dans toutes les régions métropolitaines et ultramarines, 103 cellules de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) qui réalisent un travail de collationnement de l’information aux fins de connaissance du trafic, d’action et de judiciarisation.

Quartiers mis en coupes réglées

Localement, les maires sont démunis face à la progression des manifestations « visibles » de ce trafic dans l’espace public et sont régulièrement interpellés par leurs concitoyens quant à leur action sur des actes criminels qui dépassent très largement leurs prérogatives et compétences en matière de tranquillité publique : « Vous êtes bien officier de police judiciaire, alors que faites-vous ? » Car là où les choses ont évolué très rapidement, en quelques mois, c’est dans la prégnance du phénomène et de ses conséquences économiques, sociales, politiques sur la vie de nos concitoyens. Quelles en sont les expressions concrètes ?

  • Des cages d’escaliers, des immeubles entiers appropriés par les dealers (contrôle des entrées avec, parfois, vérification d’identité sur présentation d’un justificatif de domicile, barricades dans les étages pour ralentir la progression des forces de l’ordre, pression ou menaces sur les locataires pour obtenir leur silence, voire leur coopération moyennant rétribution substantielle, multiplication des appartements « nourrices » en échange de sommes d’argent pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros par mois).
  • Des micro-quartiers ou quartiers entiers mis en coupes réglées par les trafiquants (quadrillage par plusieurs dizaines de guetteurs, tous mineurs, rémunérés en fonction de leur mission jusqu’à 150 euros par jour) qui organisent ainsi ce qui peut être qualifié de « traite » d’êtres humains ».
  • L’embauche de très jeunes mineurs (à partir de 10/11 ans jusqu’à 17/18 ans) dans ce commerce, souvent fugueurs, décrocheurs scolaires précoces ou étrangers dépourvus de papiers, tous fragiles, sans possibilité de sortie, sinon violente (menaces sur la personne, sur leur famille, mutilations pour l’exemple), de véritables réseaux qui organisent l’emploi de ces « petits soldats de la drogue » à l’échelle nationale pour éviter les poursuites judiciaires qu’ils pourraient encourir dans leur propre quartier.
  • Des files d’attente de « clients » devant les immeubles, au vu et au su de tout le monde, donnant l’impression d’une totale impunité ; des parcs ou jardins publics accaparés par les consommateurs.
  • Des mesures de rétorsion sur les propriétaires-bailleurs ou sur les bâtiments publics en cas d’intervention de la police ou de la gendarmerie, ou après des arrestations (dégradations des halls d’immeuble, incendies volontaires de containers poubelles ou de véhicules, destructions ou incendies de matériels ou de bâtiments publics, dégradations ou destructions de mobilier urbain). Sans beaucoup prendre de risques d’erreurs d’interprétation, les incendies criminels à répétition qui ont durement frappé notre ville depuis 2019 sont directement liés au combat mené contre cette gangrène par l’ensemble des institutions républicaines qui ne « lâchent rien » malgré l’âpreté, la dureté, la violence des réponses des trafiquants selon le principe « action – réaction » : action policière ou judiciaire, réaction en représailles des délinquants.
  • Incivilités, insultes, menaces sur les habitants, déni de toute autorité légitime et rejet violent de toute personne dépositaire de cette autorité (policiers municipaux ou nationaux, gendarmes, élus, services municipaux ou des propriétaires-bailleurs) de plus en plus victimes de faits graves régulièrement relevés par les médias (+32% de faits de violence à l’encontre des maires et des élus en 2022), opposition massive à toute intervention pouvant perturber le trafic, même celle de personnels de santé ou de secours (médecins, infirmiers, pompiers).
  • Violences urbaines plus ou moins sporadiques, souvent liées directement ou indirectement à ces trafics (attaques contre les forces de l’ordre ou services d’incendies, affrontements pouvant s’apparenter à des scènes de guérilla, destructions massives de biens privés ou publics), provoquant la terreur chez les habitants pris littéralement en otages de ces actes intolérables.
  • Coûts énormes de réparation ou reconstruction des dégâts occasionnés qui mettent les victimes (habitants eux-mêmes, collectivités) en grande difficultés financières pour les uns, budgétaires pour les autres.
  • Dégradation durable de l’image des quartiers et des communes concernés, opprobre jetée sur les habitants qui ressortent, en plus des traumatismes subis, stigmatisés durablement par de tels agissements.
  • Perte de confiance dans l’action publique, désintérêt, voire rejet, vis-à-vis des représentants de l’État (dont les maires !) perçus comme impuissants à juguler les trafics et à apaiser leurs lieux de vie, progression sensible des discours extrémistes simplificateurs (habitants des quartiers populaires/immigrés ou étrangers = délinquants ; maires démunis = complices et clientélistes ; perte d’autorité de l’État = besoin de solutions autoritaires et radicales).

« Lessiveuses » d’argent sale

À cela, il faut malheureusement ajouter la progression sensible du narco-banditisme, son extension à des villes moyennes ou au milieu rural, avec comme corollaire la multiplication des règlements de compte liés, dans 80% des cas, aux trafics de stupéfiants, et qui ne sont plus réservés aux régions parisienne, lyonnaise ou marseillaise.

Notons également les questions liées au blanchiment de l’argent de la drogue, avec l’établissement de circuits sécurisés d’investissements dans l’achat et la location de véhicules de luxe en provenance de l’étranger (Allemagne, Espagne, Pologne notamment) par des garages fictifs domiciliés à des adresses « boîtes aux lettres » très difficiles à pister, dans la construction ou la promotion immobilière, avec la complicité de professionnels ou de notaires peu scrupuleux, dans certains commerces de proximité (cafés, bars à chichas, établissements de nuit, restaurants, salons de coiffure…), véritables « lessiveuses » d’argent sale, tenus par des femmes ou des hommes de paille.

Les maires, dans leurs communes, connaissent parfaitement ces questions et pourraient être encore plus associés qu’ils ne le sont actuellement à la lutte contre cette criminalité, en étant beaucoup plus soutenus et protégés qu’ils ne le sont aujourd’hui, les premiers soutiens et protections nécessaires étant des décisions de justice exemplaires lorsqu’ils sont eux-mêmes victimes d’agressions ou de menaces sur leur personne ou celle de leurs proches.

Faiblesses de l’action publique actuelle

Si l’on observe les résultats de l’action de l’État et de l’actuel gouvernement sur le sujet, force est de constater que la satisfaction affichée par le locataire de la place Beauvau n’est absolument pas à la mesure de l’ampleur du phénomène de narcotrafic, qui demanderait une action beaucoup plus forte, ne se limitant pas à la seule répression, et conduite à tous les niveaux en matière de prévention, de réponses policière et judiciaire, d’action internationale :

  • La mise en place de l’amende forfaitaire délictuelle (AFD) en matière d’usage de stupéfiants (amende forfaitaire de 200 euros, délit inscrit au casier judiciaire) se révèle, en sa forme actuelle, peu efficace. Certes, 28 000 AFD ont été délivrées en 2020, 46 000 au 5 mars 2021, 10 412 pour le début de l’année 2022 (chiffres officiels du ministère de l’Intérieur), avec l’objectif d’atteindre, à terme, les 100 000 par an. Mais cette amende forfaitaire est loin de dissuader les acheteurs et les consommateurs de produits stupéfiants. Notons également qu’une fois une AFD délivrée, la marchandise saisie et le contrevenant enregistré dans la (longue) liste des consommateurs, il est impossible aux forces de l’ordre de réitérer cette sanction. Par ailleurs, les polices municipales n’ont pas cette prérogative, celle-ci appartenant exclusivement à la police ou la gendarmerie nationales.
  • Le recensement et la déstabilisation des points de deal (3 952 en 2020, 3 159 en 2022), ainsi que la possibilité offerte à nos concitoyens de signaler ces points sur les sites moncommissariat.fr et magendarmerie.fr sont à mettre en relation avec le « traitement » de 301 points de deal (moins de 10% donc, toujours en 2020), 1 000 en 2022, qui ont fait l’objet d’une opération de déstabilisation.
  • Si l’action d’initiative des forces de sécurité intérieure, dont nous saluons l’action en la matière malgré un manque flagrant de moyens, a débouché sur la saisie de 82 millions d’euros d’avoirs illégaux en 2021 (contre 78,5 millions d’euros en 2019), seulement 14% sont liés aux stupéfiants et ils sont à mettre en rapport avec les 2,3 / 3,5 milliards d’euros estimés du chiffre d’affaires généré par le trafic de stupéfiants en France (chiffres 2018).
  • Les saisies de produits sont stables ou en hausse (96 tonnes de cannabis, 13 tonnes de cocaïne, 1,1 tonne d’héroïne, 1,2 million de comprimés d’ecstasy, 700 kg d’amphétamines), mais les démantèlements de trafics et les constatations de reventes et usages sont orientés à la baisse. Les constatations d’usages progressent globalement, puisque 27 295 AFD s’ajoutent aux 154 000 faits d’usages constatés par d’autres moyens. Les 440 procédures judiciaires et 85 procédures douanières ont conduit au placement en garde à vue de 892 personnes dont 415 ont été écrouées. 169 réseaux et 160 points de deal (sur 3 952) ont été déstabilisés.

À la lecture de ces chiffres et de ce qu’ils représentent en proportion de la réalité du trafic de stupéfiants, il est évident que la lutte contre le trafic de stupéfiants, première activité criminelle dans notre pays aux conséquences désastreuses en termes de santé publique, d’effets sur toute une partie de notre jeunesse, de troubles graves à la sécurité ou à la tranquillité publiques dans nos villes, dans nos quartiers et – ne l’oublions surtout pas – en milieu rural, ne peut être conduite qu’avec une réelle volonté politique au plus haut niveau de l’État, un plan global d’actions fortes, des moyens conséquents pour les mener efficacement.

Des propositions et des solutions

À l’échelle locale :

  • Renforcer les moyens humains en matière de prévention de la délinquance et d’accompagnement des mineurs : moyens de protection de l’enfance (délais de prise en charge beaucoup trop importants, structures médico-psychologiques infantiles exsangues et surchargées), d’éducation spécialisée, de médiation scolaire et sociale, de santé (santé mentale, notamment), pour permettre aux maires et à leurs services dédiés de mobiliser plus vite les moyens d’accompagnement des enfants, des jeunes (et de leurs familles) en difficultés souvent cumulées. Les moyens humains des services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) devraient être également renforcés, afin que les mineurs placés sous main de justice soient beaucoup plus et mieux suivis dans leur parcours d’insertion sociale, de raccrochage scolaire ou de formation professionnelle, afin d’éviter les récidives multiples conduisant inexorablement et inéluctablement à une incarcération.
  • Renforcer les coordinations locales impliquant les maires dans la chaîne d’information, de renseignement, d’identification des points de deal, de connaissance des phénomènes liés aux trafics, à l’instar des Conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) ou des CLSPD consacrés à la radicalisation (CLSPD-R), coordinations formalisées dans des CLSPD-Stupéfiants (CLSPD-S). Ces instances pourraient, sous l’autorité conjointe du préfet, du procureur de la République et du maire, traiter de ces questions en formation restreinte et confidentielle, afin de leur apporter des réponses adaptées. Ces CLSPD-S rassembleraient les acteurs opérationnels de la lutte contre les trafics de stupéfiants (préfet ou son représentant chargé de la sécurité publique, procureur de la République, directeur départemental de la sécurité publique, directeur de la police judiciaire, directeur général des finances publiques).
  • Permettre aux maires d’agir :
      • En leur offrant la possibilité d’engager plus facilement, en accord avec les propriétaires-bailleurs, des procédures d’expulsion d’un logement locatif à l’encontre d’individus condamnés par la Justice pour avoir participé à des trafics de stupéfiants, ou de familles convaincues judiciairement de défaillance parentale lorsque leurs enfants ont participé à de tels actes, en infraction de l’article 227-17 du code pénal, qui punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende « le fait, par le père ou la mère, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur », autorité parentale dont les finalités sont évoquées à l’article 371-1 du code civil : « protéger l’enfant dans « sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement (…) ».

      • En développant et en sécurisant sur le plan juridique la procédure de rappel à l’ordre par le maire à des mineurs connus pour participer à des activités de guet sur un point de deal troublant manifestement la tranquillité publique. Cette procédure, à l’initiative du maire, est jugée chronophage et peu efficace par les élus qui les mènent car non-suivies d’effets tangibles. Le rappel à l’ordre pourrait être officialisé par un signalement ou un rapport écrit au procureur de la République, au-delà du simple contact informel et facultatif actuellement prévu par les textes entre le maire et le Parquet.
  • Conduire, encourager, soutenir toutes les actions locales et coordonnées de prévention des addictions (drogues, alcool) en milieu scolaire, depuis l’école primaire jusqu’au lycée, en passant par le collège, en mobilisant les collectivités compétentes (communes, conseils départementaux et régionaux) et le tissu des associations locales (sportives, culturelles, d’aide aux devoirs, d’accompagnement à la fonction parentale) agissant en direction des enfants et des jeunes.

À l’échelle nationale :

  • Initier un grand débat national sur la légalisation du cannabis. Parce que ce sujet ne saurait être pris en otage de visions idéologiques ou de positions doctrinales et que toute position définitive de tel ou tel pouvoir en place ne saurait être prise sans des avis éclairés, il doit faire l’objet d’un vaste débat prenant en compte tous les enjeux sociaux, économiques et sanitaires qu’il comporte.
  • Donner à la lutte contre les trafics de stupéfiants une dimension interministérielle : de la prévention à la répression, en passant par l’accompagnement des consommateurs et les soins qu’ils doivent recevoir par la création de centres de prévention en d’addictologie pouvant accueillir de nouvelles salles de consommation de drogues à moindres risques, dite « salles de shoot », la lutte contre les trafics de stupéfiants revêt différents aspects de santé publique, d’action en direction de la jeunesse, de relations avec les collectivités locales, éducatifs, policiers, judiciaires, économiques et financiers… Aussi, les moyens de l’État, s’ils doivent être employés efficacement, nécessitent d’être mieux coordonnés au sein d’une mission interministérielle pilotée par un haut-commissaire sous l’autorité directe du Premier ministre.
  • Initier et conduire régulièrement des grandes campagnes de prévention contre l’usage des stupéfiants, financées par l’État, à l’instar de celles menées par la Sécurité routière ou contre le harcèlement scolaire.
  • Développer les alternatives à l’incarcération des mineurs. « Casser » les parcours délinquants en développant les mesures de réparation d’intérêt public ou général, comme des services obligatoires effectués dans les associations, les collectivités ou les ONG, par les mineurs sous main de justice encadrés par la PJJ, en augmentant les places en établissements, en centres éducatifs renforcés ou fermés.
  • Renforcer les moyens humains de lutte contre le trafic de stupéfiants au niveau central, régional et local, en redéployant des effectifs policiers et en les affectant à l’OFAST (doubler le nombre fonctionnaires dédiés à l’OFAST – 191 au niveau central, 475 dans les territoires actuellement), comme au niveau des antennes et détachements déployés dans toutes les régions, ainsi de dans les cellules de renseignement opérationnel. Au sein des directions régionales de la police judiciaire, les effectifs consacrés à combattre les trafics de drogues sont nettement insuffisants au regard de leur progression et de la place prééminente de cette activité criminelle organisée ; aussi, doivent-ils être renforcés substantiellement. L’investigation sur la dimension financière des enquêtes (blanchiment, réinvestissement des bénéfices générés dans des activités légales « de façade ») doit, elle aussi, être consolidée à tous les niveaux : Al Capone n’a jamais été condamné pour les meurtres qu’il a commandités ou commis, mais pour fraude fiscale…
  • Pénaliser beaucoup plus la consommation de stupéfiants (hors utilisation thérapeutique qu’il conviendrait de légaliser dans un cadre médical précis). L’amende forfaitaire, actuellement de 200 euros, même assortie d’une inscription au casier judiciaire du contrevenant, n’est pas suffisamment élevée pour être dissuasive. Elle pourrait être d’un montant minimum de 500 euros. En comparaison, le grand excès de vitesse (supérieur à 50 km/heure au-delà de la vitesse autorisée) est sanctionné par une amende judiciaire de 5e classe dont le montant s’élève à 1 500 euros et à 3 750 euros en cas de récidive.
  • Créer un parquet national de lutte contre le trafic de stupéfiants, à l’image du parquet national financier ou du parquet national anti-terroriste, composé de magistrats spécialisés, avec compétence nationale et ayant autorité pour mobiliser tout moyen ou tout service susceptible de combattre ce fléau.

À l’échelle internationale :

  • Renforcer les coopérations par une action diplomatique d’envergure entre les pays « producteurs » et les pays « consommateurs ». L’économie de la drogue est une économie par essence mondialisée, avec des circuits connus et des pays producteurs « pauvres » devant être impliqués dans la lutte contre les trafics. Si l’on prend le seul exemple du cannabis, toute action nationale d’ampleur ne saurait trouver son efficacité sans le concours du Royaume du Maroc dont on sait qu’il est un des principaux lieux de cette culture (rapports de 1 à 80 entre les cultures vivrières indispensables aux habitants et celle du cannabis). Des négociations devront être menées pour trouver des compensations, au titre de la coopération internationale, entre nos deux pays.
  • Initier ou renforcer (quand elles existent) les enquêtes internationales de démantèlement des réseaux criminels liés aux stupéfiants. Les avoirs détenus à l’étranger par des trafiquants agissant en France doivent pouvoir être « gelés » après que les liens criminels auront été mis en lumière par des investigations coordonnées. La France, si elle en avait la volonté, et ce au plus haut niveau de l’État, pourrait donner une impulsion forte en s’appuyant sur les instances internationales compétentes.

Thierry Falconnet

NB : Les intertitres sont de la rédaction.

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Documentation

Trafic de drogue : « Le nerf de la guerre, c’est que ça rapporte » (Le Bien public, 16 mai 2023)

Trafic international de stupéfiants : un Dijonnais, chef présumé du réseau démantelé, interpellé (Le Bien public, 29 octobre 2022)

Violences urbaines : l’hôtel de ville de Chenôve et le centre communal d’action sociale incendiés (France 3 Bourgogne Franche-Comté, 14 juillet 2022)

Grand banditisme : les petites villes, nouvelles cibles du trafic de drogue (FranceInfo, 14 mai 2023)

Drogue : le trafic de stupéfiants gagne du terrain en France (FranceInfo, 15 mai 2023)

Trafic de drogue : et maintenant les villes moyennes (Public Sénat, 1er juin 2023)

ANALYSE – Sûreté, place de la République (Le Jacquemart, 14 novembre 2022)

Économie du trafic de drogue en France (Wikipédia)