Seule l’union…
Par Yves Mestas
Les 22 et 29 janvier, avaient lieu trois élections législatives partielles, en Charente, dans la Marne et dans le Pas-de-Calais. En effet, trois députés de ces départements avaient vu leur élection annulée, sur décision du Conseil constitutionnel, et avaient été contraints de remettre en jeu leur mandat. Cela concernait le philippiste Thomas Mesnier (Charente), la lepéniste Anne-Sophie Frigout (Marne) et le socialiste Bertrand Petit (Pas-de-Calais).

Le contexte dans chacune des circonscriptions
Dans la première circonscription de Charente, Thomas Mesnier, candidat et porte-parole Horizons, député sortant, a reçu le soutien d’Edouard Philippe. En juin, il avait gagné avec 50,03% ; étant réélu avec seulement 24 voix d’avance sur le candidat de la NUPES (LFI), René Pilato.
Mais, Thomas Mesnier a perdu son siège après que le Conseil constitutionnel a décidé d’annuler 27 voix pour des problèmes de signatures des listes d’émargements.
Le candidat macroniste avait fait 30,45% au premier tour, en juin 2022.
En janvier 2023, le danger venait, pour lui, à nouveau de la gauche, avec une configuration moins favorable, puisque celle-ci ne comptait plus aucun « dissident » sur la ligne de départ, contrairement au printemps dernier, lorsqu’un candidat divers gauche avait fait 12,5% au premier tour. A nouveau candidat de la NUPES, René Pilato, qui avait fait alors 27,53%, était donc décidé à prendre sa revanche. Il a reçu plusieurs visites et soutien, en janvier, de députés insoumis, notamment celles de Mathilde Panot et d’Emmanuel Bompard.
Dans la deuxième circonscription de la Marne, le Rassemblement national (RN) voulait garder son siège. Après Jordan Bardella, au début janvier, c’est Marine Le Pen qui est venue prêter main forte à la députée sortante RN.
Avec 54,82 % des voix, Anne-Sophie Frigout (RN) s’était imposée, en juin 2022, face à la candidate de la NUPES, Lynda Meguenine (45,18%), au cours d’un duel que personne n’annonçait. Mais l’équation politique a changé : l’absence d’une candidature dissidente de la majorité présidentielle offrait plus de chance à la candidate Laure Miller (Renaissance) de se hisser au second tour. Avec 21 % des suffrages au premier tour, il avait manqué 249 voix à Laure Miller pour se qualifier, l’an passé, alors que la dissidente Aina Kuric, députée sortante, avait recueilli 12,51% des voix.
L’enjeu : dans ce contexte, la gauche parviendra-t-elle à terminer une nouvelle fois en tête du premier tour comme en juin, avec 22,46% contre 21,98% pour la candidate RN ? La NUPES part unie, mais avec un autre candidat : Victorien Pâté (déjà candidat insoumis en 2017). De son côté, les Républicains sont à nouveau représentés par Stéphane Lang qui avait obtenu 11% des voix en juin.
Dans la huitième circonscription du Pas-de-Calais, département où le RN a beaucoup progressé en 2022, avec six circonscriptions remportées par l’extrême droite, c’est un député du groupe socialiste qui remettait son mandat en jeu, suite à invalidation. La majorité présidentielle voulait prendre sa revanche, avec Benoît Potterie.
Bertrand Petit, candidat socialiste dissident en juin dernier, face à un Insoumis investi par la NUPES, avait été l’un des deux candidats de gauche élus sur les 12 circonscriptions que compte le Pas-de-Calais. Il l’avait emporté au 2e tour avec 55,8% des voix face au candidat RN Auguste Evrard (44,18%) qui était arrivé largement en tête du premier tour, avec 27,46%. Bertrand Petit (DVG) avait fait 22,54% % au 1e tour, le candidat de la majorité présidentielle 21,36% et le candidat NUPES 15,75%.
Cette fois-ci, c’est Bertrand Petit qui a été choisi par la NUPES, car, depuis juin, il a rejoint le groupe socialiste et apparentés et qu’il est membre de l’inter-groupe NUPES. De plus, en juin, l’écart pour la qualification pour le 2e tour entre Bertrand Petit et Benoît Potterie (Ensemble) était de 1,10%. Mais cette investiture a suscité mécontentement et colère chez certains militants insoumis et écologistes locaux. Ils reprochaient à Bertrand Petit sa proximité avec le milieu de la chasse.
Du côté du camp présidentiel, l’ex-député Benoît Potterie est reparti dans la course. Alors membre d’Agir, il pointe désormais chez Horizons. Edouard Philippe est venu le soutenir, ainsi que le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, Aurore Berger et de Gabriel Attal.
Résultats du premier tour, le 22 janvier
Les trois élus sortants en tête, mais avec une forte abstention.
Duel Macroniste-NUPES en Charente, au deuxième tour. Dans la 1re circonscription de la Charente, qui inclut la préfecture Angoulême, la marge est de nouveau très serrée avec 42 voix d’écart, entre le candidat de la majorité présidentielle, Thomas Mesnier (35,54% des suffrages exprimés, soit +5,09%) et le représentant de la NUPES, l’Insoumis René Pilato (35,36 %, soit +7,83%), avec une abstention très forte : 71,24% des inscrits contre 50,69% en juin.
L’enjeu pour les deux finalistes sera alors de remobiliser l’électorat. Pour le candidat NUPES, il s’agit d’aller convaincre les 18 830 électeurs qui avaient voté pour lui en juin dernier au second tour. Le 22 janvier, seulement 8311 s’étaient déplacés pour voter pour lui.
Duel RN-Macroniste dans la Marne, au deuxième tour. Dans la 2e circonscription de la Marne, comportant plusieurs cantons de Reims, la députée RN sortante, Anne-Sophie Frigout, arrive à la première place, avec 34,80% des voix (+12,82 points par rapport au premier tour en juin). La candidate de la majorité présidentielle unie, Laure Miller, progresse aussi et parvient à se hisser au second tour, avec 30,0% des suffrages (+8,77 points). Dans cette circonscription, 76% des électeurs ne se sont pas rendus aux urnes, contre 53,98% en juin.
Le candidat de la NUPES, Victorien Pâté, arrivé troisième est éliminé, avec 16,17%. Il ne donne pas de consignes de vote pour le second tour, mais indique qu’il votera à titre personnel « contre le Rassemblement national ». « Je ne donnerai aucune consigne de vote et surtout aucune leçon à ceux qui feront un choix différent. Pour ce qui est de l’abstention ou du vote blanc, chacun fera ce qu’il souhaite. Mais par contre aucune voix pour le Front national, ça, c’est clair et net », a-t-il aussi expliqué.
Duel NUPES- RN dans le Pas de Calais, au deuxième tour. Dans la 8e circonscription du Pas-de-Calais (Saint-Omer et alentours), le député sortant, Bertrand Petit, apparenté PS et investi par la NUPES, après avoir présenté en juin une candidature dissidente, arrive très largement en tête avec 46,14% des voix (+23,60 points par rapport à juin), face au candidat RN, Auguste Evrard (23,97%, soit -3,49 points). Le candidat de la majorité présidentielle, Benoît Potterie (Horizons), est éliminé, avec un score de 21,17% contre 21,36% en juin.
Ce premier tour est aussi marqué par une forte abstention, avec 70,39% contre 51,01% en juin. Le candidat NUPES est en ballotage favorable. Les électeurs de droite, en juin, dans certaines circonscriptions, avaient préféré voter RN pour éliminer le candidat NUPES.
Résultats du second tour, le 29 janvier
Deux députés NUPES élus, une RN battue
En Charente, le candidat NUPES LFI sort le député macroniste. Avec 50,99% René Pilato est le nouveau député de cette circonscription. Le candidat de gauche devance son adversaire de 474 voix sur la circonscription (en juin, 24 voix séparaient les candidats). Ce sont les bureaux de vote d’Angoulême qui font la différence, avec 840 voix. Il doit sa victoire à une remobilisation partielle des électeurs de gauche, avec 12 200 voix au second tour, contre 8311 au premier tour, malgré une abstention de 69,79%. La défaite du sortant, Thomas Mesnier, porte-parole d’Horizons, avec 49,01%, est un échec pour les macronistes et le parti d’Edouard Philippe.
Dans la Marne, la députée sortante lepéniste est battue par une macroniste. Avec 51,8% Laure Miller (Renaissance) s’impose face à la candidate RN, Anne-Sophie Frigout, malgré la venue de Marine Le Pen et de Jordan Bardella, 629 voix séparant les deux candidates. Dans cette circonscription, l’abstention se situe à 74,83%.
Dans le Pas de Calais, le député sortant NUPES (PS) est facilement réélu. Avec 66,49%, Bertrand Petit écrase son adversaire Auguste Evrard (RN). Dans cette circonscription, l’abstention se situe à 72,07%%.
Quelques enseignements de ces élections
Même si trois élections partielles ne sont pas le reflet d’une élection nationale, elles donnent toutefois quelques tendances plus crédibles que les sondages. Ces partielles se sont déroulées dans le contexte de la réforme des retraites annoncée par le gouvernement Borne.
Comme à chaque élection partielle, l’abstention est très forte. Si, en juin, dans le cadre d’une élection nationale, dans ces trois circonscriptions, le taux d’abstention variait entre 51 et 56%, en janvier, celui-ci a plafonné entre 70 et 76%. Comme en juin dernier, ce sont les milieux populaires qui ont le moins voté, ouvriers, employés, et aussi les jeunes.
Deux députés sur trois sont battus dans ces partielles. La gauche unie sort renforcée avec deux députés. Le RN perd une députée, les macronistes perdent une circonscription, mais en gagnent une autre qu’ils détenaient auparavant. Entre 2017 et 2022 ces trois circonscriptions avaient des députés LREM : une évolution à méditer pour Emmanuel Macron qui menace régulièrement le pays d’une dissolution de l’Assemblée nationale.
La NUPES doit se renforcer pour gagner
Nous avons fait le choix, au lendemain de l’élection présidentielle, de mettre les rancunes au placard pour constituer la NUPES.Cela nécessitait de mettre les divergences de côté et, surtout, d’être exigeant sur le fond pour enraciner un accord sur un programme de gouvernement.
Peu y croyaient, à l’époque. Pourtant, nous avons réussi. Il faut rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui ont rendu cela possible. Certes, nous n’avons pas pu empêcher des candidatures « dissidentes », en juin dernier, qui ont contribué à l’élimination de candidats de la gauche et favorisé la victoire du Rassemblement national dans plusieurs circonscriptions.
Au final, après avoir remporté le premier tour des élections législatives, en nombre de voix, nous élisions 151 députés de la NUPES répartis dans quatre groupes parlementaires. Un résultat impressionnant, mais ne permettant pas de constituer une majorité. Cependant, une dispersion des candidats de gauche aurait conduit à une situation pire que celle de 2017 pour l’ensemble du camp progressiste, et à un RN avec beaucoup plus de députés.
Dès les premiers textes de loi, l’objectif était de fragiliser notre coalition en distinguant les Insoumis et les autres éventuels opposants. La moindre polémique médiatique fut instrumentalisée pour cela. Tout le monde n’attendait qu’une seule chose : l’explosion de la NUPES.
À l’Assemblée nationale aussi, malgré – parfois – des nuances, les composantes de la NUPES ont agi ensemble à chaque fois que possible.
Bien sûr, cela s’est fait sous un flot permanent d’agressivité et de coups-bas médiatiques contre Jean-Luc Mélenchon, mais aussi vis-à-vis de Mathilde Panot, accusée d’antisémitisme, de Carlos Martens Bilongo, victime d’une ignoble attaque raciste dans l’hémicycle, ou de Louis Boyard, diabolisé pour avoir osé critiquer les activités de Bolloré en Afrique sur une chaine de télévision lui appartenant.
Il peut arriver que nous ne soyons pas en accord sur tout, à gauche, y compris chez les insoumis. Ce fut par exemple le cas à propos d’Adrien Quatennens. Mais, entre autres enjeux politiques considérables, nous sommes à l’aube d’une importante confrontation sociale sur le dossier de la retraite. La récession économique qui vient va faire de 2023 une année d’une très grande brutalité. L’extrême-droite menace et reste très influente électoralement…
Pour toutes ces raisons, la NUPES doit se renforcer, nationalement et localement. Les polémiques ciblant Jean-Luc Mélenchon et LFI, menées par des ex-candidats socialiste et communiste, leur permettent certes de faire la Une des médias, mais font le régal de nos adversaires en créant le trouble chez des électeurs de gauche.
Une liste commune aux élections européennes de 2024 permettrait de renforcer encore la NUPES. Sachant qu’une progression électorale d’une liste RN, qui était arrivée en tête en 2019, mettrait l’extrême droite en « pole position » pour la présidentielle de 2027. De même, la dispersion des listes, à gauche, aux européennes, conduira sans doute à une dispersion des candidats aux présidentielles.
Comme l’a dit l’ancien ministre de l’Intérieur Pierre Joxe (PS), « la NUPES est la seule voie pour que la gauche, abîmée par le quinquennat Hollande, parvienne au pouvoir ».
Yves Mestas