Par Aurore Lagneau, conseillère régionale Bourgogne-Franche-Comté
Génération Écologie, Groupe Écologistes & solidaires

Le 9 février dernier, en Suisse, l’initiative populaire « Pour une économie responsable dans les limites de la planète » a été massivement rejetée par référendum. Il s’agissait de se prononcer sur l’ajout d’un article à la Constitution, afin d’obliger l’économie à ne pas dépasser les limites de la nature et à respecter sa capacité de renouvellement. Les Suisses ont refusé catégoriquement une transformation jugée trop radicale, faisant preuve d’une profonde dissonance cognitive, symptomatique de notre résistance au changement dans une société liquide où l’incertitude est devenue notre seule certitude.

Soyons réalistes, quelque chose ne tourne pas rond. Les citoyens suisses et des pays développés pensent-ils sincèrement que l’opulence durera toujours ? Car, en réalité, notre mode de vie repose toujours sur une illusion entretenue par l’abondance et le faible coût de l’énergie, bien que nous ayons déjà atteint les limites physiques de notre planète.

Lorsque nous sommes confrontés à des changements profonds dans nos habitudes, un sentiment d’anxiété et de tension interne peut survenir, en raison de notre attachement à nos repères.

Pourtant, nos ancêtres devaient régulièrement s’adapter aux changements saisonniers, aux conditions météorologiques et aux périodes de famines… Ils faisaient preuve d’une capacité d’adaptation remarquable, guidée par une conscience aiguë de leur dépendance à l’égard de leur environnement. Aujourd’hui, notre sentiment de toute-puissance technologique nous a fait perdre cette humilité.

Les opposants au référendum ont exposé la crainte d’une récession économique, argumentant sur une possible baisse de la compétitivité, la menace pesant sur les emplois, et la perspective d’une Suisse affaiblie et confrontée à la concurrence internationale. Mais est-il vraiment nécessaire qu’une économie croisse de façon continue pour prospérer ?

C’est ici qu’intervient le concept de décroissance, souvent mal interprété, qui ne prône pas un retour à des modes de vie archaïques ni un rejet du progrès, mais réoriente plutôt vers une approche privilégiant la qualité sur la quantité, invitant à substituer le « plus d’être » au « toujours plus d’avoir ». La décroissance replace au cœur de nos priorités la santé, l’éducation, la culture, les liens sociaux et la préservation des écosystèmes.

Cette vision fait écho à l’éthique du care, qui place le soin, l’attention à l’autre et la sollicitude au cœur de nos préoccupations morales et politiques, nous invitant à penser nos actions en termes de responsabilité et d’interdépendance, en accordant une attention particulière aux plus vulnérables et aux plus jeunes.

Dans ce contexte, ne serait-il pas opportun, pour les pays développés, de montrer enfin l’exemple en adoptant une éthique de la responsabilité, c’est-à-dire en agissant en tenant compte des conséquences futures de nos actions sur le vivant ?

Bien qu’en Suisse, le peuple ait choisi de rejeter l’initiative populaire « Pour une économie responsable dans les limites de la planète », nous ne pouvons continuer à repousser indéfiniment l’inévitable, en nous raccrochant obstinément à notre confort, à nos certitudes et à nos illusions de contrôle. Ce déni collectif ne fait que retarder la nécessité absolue du changement, alors même que nous sommes entrés dans une phase d’extinction de masse des espèces vivantes sans précédent. L’histoire nous enseigne pourtant que les civilisations qui n’ont pas su s’adapter ont disparu. Force est de constater que notre marge de manœuvre se réduit de jour en jour.

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