| Il vient de paraître… | Manifeste social-libéral |
| Par Richard Domps et Hervé Gouëzel. Le Manifeste social-libéral s’adresse à tous ceux qui croient en la notion de progrès. Nous vivons aujourd’hui dans un monde régit par le paraître et non par les actes concrets et efficaces. Véritable coup de poing, ce livre dénonce les politiques des apparences et y oppose une politique de l’action. La société française traverse de nombreuses crises. L’ambition de ce manifeste est d’apporter des solutions ambitieuses comme mettre en réseau le territoire, appliquer le revenu universel ou encore optimiser le système judiciaire et autres institutions. Pour cela, les auteurs s’appuient sur des valeurs fondamentales : les libertés individuelles et la démocratie. Cet ouvrage est un rappel à l’engagement et au pouvoir que chaque citoyen possède pour faire progresser la société. Totalement novateur, le Manifeste social-libéral est en rupture avec la tyrannie de l’image et des slogans et y oppose un programme politique qui permet à la société démocratique de ne plus craindre le futur. VA Éditions 328 pages Mai 2024 | |
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Vive la réforme !
Préface par Antoine Peillon
Alors que notre pays est « sous haute tension » sociale, écologique et sécuritaire, comme l’affirme, entre autres, avec une expertise incontestable, la Fondation Jean-Jaurès[1], alors que ressurgissent les menaces de guerre en Europe et de guerre civile importée, notamment depuis le 7 octobre 2023, alors que l’actualité quotidienne et les statistiques ne cessent de révéler records climatiques de chaleur, aggravation de la délinquance et de la criminalité, explosion spectaculaire des inégalités socio-économiques, ruine du contrat civil (laïcité vs islamisme et communautarisme, violences identitaires…), le paysage médiatique et politique ressemble de plus en plus au champ de foire des populismes et des extrémismes.
Dans ce contexte morbide, amplement mondialisé, le découragement, le ressentiment et la colère imprègnent les opinions publiques [l’abstention croissante lors des divers rendez-vous électoraux en est un signe flagrant], nourrissant un renoncement et même un désespoir civiques qui, en cercle vicieux, cautionnent tous les gouvernements anti-démocratiques, qu’ils soient dénoncés comme « autoritaires » ou, plus délicatement, comme « illibéraux » (cf. Pierre Rosanvallon). Si, à ce sujet, il est consensuel, et donc facile, de tourner son regard vers les frontières orientales de l’Europe, cela ne devrait pas nous exonérer de juger la malfaisance économique, sociale et même démocratique de nos régimes d’« extrême centre », où l’alliage de l’ultralibéralisme (ou néo-libéralisme) avec l’autoritarisme oligarchique est, aujourd’hui, parfaitement décrypté par d’excellents historiens, sociologues et politistes[2].
Voici l’effondrement et le « désenchantement » conséquent que le livre de Richard Domps et Hervé Gouëzel affronte résolument, assumant le devoir urgent de rêver d’un monde meilleur, cet « invincible espoir » invoqué par Jean Jaurès et Léon Blum en leurs temps. C’est un travail de fond mené par deux ingénieurs pragmatiques (tous deux sont polytechniciens), adeptes du réel, ayant exercé d’importantes responsabilités sociales et économiques, deux républicains engagés dans la vie politique. Aux oubliettes, donc, les « vieilles idées qui ont régulièrement échoué », les démagogies et les fantasmes, surtout lorsque ceux-ci virent au complotisme tellement répandu, aujourd’hui ! La dizaine de chapitres du Manifeste social-libéral ne sont consacrés qu’à des questions majeures de l’action publique, et non pas à des thèmes idéologiques. Leurs quelque 350 pages apportent à ces questions des réponses précises, audacieuses, mais réalistes, argumentées, souvent chiffrées… Il n’est pas question, dans ces quelques lignes, de citer toutes les solutions préconisées par les auteurs pour que notre société se réoriente dans le sens du « progrès », un choix civilisationnel revendiqué. Je relève, cependant, la proposition générative du « revenu universel », lequel est « nécessaire, souhaitable et possible », afin de « conjuguer croissance qualitative et décroissance quantitative », dont la vertu structurante conditionne les plus saines politiques d’éducation, de culture, d’emploi, de maîtrise de l’immigration…
Le pragmatisme éclairé, expert et expérimenté de Richard Domps et Hervé Gouëzel ne fait pas, à première vue, démonstration d’une philosophie politique. Pourtant, leur livre n’est pas titré à tort Manifeste social-libéral, même si tous deux prennent la précaution nécessaire d’affirmer qu’ils sont « très éloignés du ‘‘social-libéralisme’’ » lorsque celui-ci « n’est plus qu’un conservatisme habillé de quelques touches de modernisme », ce qui est malheureusement le cas, en Europe, depuis les années 1990 (Blair, Gerhard Schröder, François Hollande…). Il y a bien un premier principe fondamental porté par l’essai dont vous ouvrez les pages pleines de conviction : la réforme ! Et une méthode qui en découle : « En tant que (vrais) socialistes et (vrais) libéraux, les mécanismes que nous mettrons en œuvre ne peuvent en aucun cas ressortir de la contrainte, qu’elle soit économique, sociale ou réglementaire. La réforme doit s’opérer via des plans qui se bornent à définir un cadre d’action général, lequel sera ensuite décliné par les acteurs économiques et politiques au niveau le plus décentralisé possible, afin de profiter au maximum des capacités d’initiatives de tous. »
Nos deux « vrais socialistes et vrais libéraux » sont donc, comme tout citoyen interpelé par les exigences vitales de notre époque, partisans de « la planification stratégique », à condition qu’elle garde « un aspect à la fois adaptatif et démocratique ». Car, l’autre principe fondamental de Richard Domps et Hervé Gouëzel est la démocratie, et même la « démocratie augmentée », ce qui est loin d’être une vaine posture par les temps régressifs que nous connaissons. Par la formule de « cohérence démocratique », les deux auteurs entendent remettre « la volonté populaire » au cœur de toute politique. Ils soulignent ainsi que « dans chaque projet [qu’ils proposent], nous faisons appel aux valeurs de démocratie, de liberté et d’initiative : si nous faisons nécessairement appel aux dirigeants politiques pour initier ces projets réalistes et ambitieux, il faut l’implication du plus grand nombre pour en maximiser l’utilité sociale, écologique et économique ».
Par tout ceci, que l’on ne trouve pas assez dans les pratiques ni les programmes des partis politiques, le Manifeste social-libéral ressuscite une tradition injustement oubliée, voire méprisée, entre autres parce qu’elle a été dévoyée par une dérive néolibérale déjà signalée plus haut. Le social-libéralisme est pourtant un libéralisme et un socialisme, ce qui nécessite une articulation particulièrement démocratique des intérêts personnels et collectifs, ou communs. Il n’est pas question de faire ici un exposé d’histoire de cette philosophie politique incarnée par quelques penseurs illustres : John Locke et John Stuart Mill, les pionniers, puis Keynes, Renouvier, Littré, Léon Bourgeois (le solidarisme), Charles Gide, Durkheim, Aron, Dewey, Rawls, Habermas, Martha Nussbaum, Amartya Sen, Pierre Rosanvallon, Monique Canto-Sperber… Mais il m’a semblé, en lisant le livre de Richard Domps et Hervé Gouëzel, que cette tradition, aussi nommée « socialisme libéral » par Monique Canto-Sperber (Le Socialisme libéral. Une anthologie. Europe – États-Unis, Éditions Esprit, 2003), devait être signalée en elle-même, car elle nous offre, peut-être, une voie alternative à l’actuelle et destructive « montée aux extrêmes ».
Antoine Peillon
[1] Fondation Jean-Jaurès, La France sous haute tension, L’Aube, 2024.
[2] Pierre Serna, Alain Deneault, Johann Chapoutot, Jean-François Bayart, Romaric Godin…
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Les deux auteurs :
Richard Domps, formation ingénieur (Polytechnique), Sciences Po Paris (Économie Finances), ENSAE (statistique et administration économique) et DECS (études comptables supérieures), a exercé au sein de 3 entreprises de production (ingénieur de production, chef de projet informatique et directeur de l’organisation), de distribution (directeur des systèmes d’information), puis de conseil (KPMG) comme membre-associé en charge des systèmes d’information au sein du comité de direction.
Militant socialiste pendant 40 ans, élu municipal pendant 25 ans en tant que maire-adjoint, puis vice- président de territoire (rénovation urbaine et politique de la ville), secrétaire fédéral aux études du PS-Val-de-Marne pendant 10 ans.
Hervé Gouëzel, formation ingénieur (Polytechnique), MBA-HEC, a dirigé l’informatique dans une entreprise de production, puis dans une grande banque dont il a rejoint le comité exécutif. Pendant ses 10 dernières années d’activité professionnelle, toujours au sein de cette grande banque, il a été responsable de l’intégration d’une filiale européenne à l’international, puis d’un programme global de rationalisation-simplification.
D’orientation droite libérale et sociale, il n’a pas fait le pas de s’inscrire dans un parti politique, mais il a toujours été très intéressé par les affaires publiques.

