Par Revermont
Marche pour nos libertés. Paris, le samedi 12 juin 2021, place de Clichy – place de la République. © ISHTA
La classe dirigeante et possédante doit se sentir à en danger pour se radicaliser à ce point. Elle revient en quelque sorte à l’expression la plus directe de son habitus social, la possession, la prédation et la guerre impitoyable à tout ce qui prétend se mettre en travers de son chemin. Elle applaudit d’ailleurs des deux mains le devenir martial du régime. Elle se prépare à consentir aux pleins pouvoirs de l’article 16 (même si c’est quasiment le cas dans la pratique) ou à d’autres mesures liberticides. Elle renoue par là avec son histoire, en particulier celles des heures de la répression sociale à laquelle elle s’est adonnée tout le long du XIXe siècle quand son hybris de domination a commencé d’être contestée par les masses populaires s’organisant et se politisant.
Cette bourgeoisie sait que l’heure est proche de l’hybridation qui a ses faveurs : celle du « grand remplacementisme » zemmourien, du « républicanisme » blanquérien et du lemairisme économique. Cette hybridation donne à peu près cela :
- Les immigrés, dehors ! (et ces temps derniers un immigré est un « non-blanc »),
- les écoterroristes d’extrême gauche, en prison !,
- les pauvres, les jeunes, les oisifs, les vieux, au boulot !
Le fascisme ne s’installe pas par les masses. Il faut résister à l’arnaque intellectuelle de l’anti-complotisme et de l’anti-populisme d’extrême-centre. Le fascisme est un phénomène bourgeois, la défense de ses biens par n’importe quel moyen. Ici, la satisfaction de l’avidité, la fuite en avant du saccage de la nature et de la culture, la neutralisation de toute contestation populaire.
La bourgeoisie entre dans son moment pasolinien, le moment où plus aucun compromis ne sera possible : pour continuer à jouir, elle doit punir ! Et elle pense qu’elle n’a été jusqu’ici que trop bonne, trop patiente, trop conciliante.
Quand le pouvoir dit « apaisement », il faut donc entendre rigoureusement le contraire. C’est littéralement la réalisation de la prophétie orwellienne de l’inversion du sens des mots (comme cet « arc » qu’on dit « républicain » à mesure qu’il l’est de moins en moins !). Qui pensait assister à cela il y a encore quelques mois, avec une telle rapidité et un déploiement aussi massif, sans quasiment d’opposition ? Qui aurait pensé aussi qu’une bourgeoisie dite progressiste estimerait que le combat le plus urgent à mener n’était pas justement contre ce fascisme qui s’installe mais contre sa contestation plébéienne à sa gauche. Grave faute morale et politique. Prétendre se situer à l’extérieur de l’extrême-centre tout en passant son temps à taper sur la seule force politique qui la conteste réellement, c’est une tartufferie pure et simple, une forfaiture. Et elle sera lourde de conséquences…
Nicolas Revermont (pseudonyme) est un haut fonctionnaire français.











