Annoncé par Pierre Abécassis

Colloque à l’Université de Bourgogne, le 9 juin, sur les mutations de l’action collective et Lip au féminin.

Le 29 septembre 1973, la « marche des 100 000 » à Besançon semble marquer l’apogée d’un mouvement social de grande ampleur, depuis les premières grèves et occupations d’avril-juin 1973 menées à l’usine LIP de Palente par des salariés que menacent directement les difficultés de l’entreprise.

Dans ces « années 68 », le retentissement et la médiatisation du conflit tiennent moins à sa durée sous diverses formes, certes remarquable, qu’au mythe autogestionnaire auquel son souvenir est attaché et, surtout, à une expérience globale et originale de lutte collective au retentissement exceptionnel, en France comme en Europe.

Un demi-siècle plus tard, sans céder, ni à une nostalgie rétrospective, ni au fétichisme des dates-anniversaires, il apparaît fructueux de faire le point dans un cadre pluridisciplinaire après des recherches et publications récentes (D. Reid, G. Gourgues, L. Cros, Ch. Mathieu/ Th. Pasquier…), à la lumière des renouvellements historiographiques sur les mouvements sociaux et tant que des témoins et leurs archives peuvent être sauvegardés ou interrogés.

L’objectif du projet pluridisciplinaire conduit par des chercheurs des universités de Franche-Comté (UFC), de Bourgogne (UB), de Lausanne (UNIL) et de Haute-Alsace (UHA) consiste à impulser et à coordonner des initiatives scientifiques, archivistiques et mémorielles autour de quatre principales opérations.

Le colloque de Dijon

Matinée : Les mutations de l’action collective

Nicolas HAZTFELD (historien, Université Paris I) – Évolution du mouvement syndical, années 1960-1981

L’affaire Lip s’inscrit dans une grande décennie marquée par une vitalité particulière des mouvements sociaux. Dans la suite de 1968, les mouvements classiques renouvellent leurs objets de lutte et de revendications ; de nouvelles contestations visent à changer la vie en mettant en cause nombre de cadres sociaux, tandis que la perspective du progrès est discutée par différents aspects. Parfois discordants, tous ces mouvements sociaux interfèrent et s’influencent réciproquement. De nouvelles actrices et acteurs interviennent sur la scène sociale, et mettent en œuvre de nouvelles modalités d’action. Si les sciences sociales ont immédiatement cherché à qualifier ces nouveautés, la perspective historienne a progressivement contribué à penser les dynamiques qui ont marqué la période.

Jean-Philippe MARTIN (historien, enseignant retraité) – Été 1973, le mariage des Lip et du Larzac

En 1973 deux luttes sociales locales, celle des ouvriers de Lip et celles des paysans du Larzac, prennent une ampleur nationale et bénéficient de réseaux de solidarité larges et variés. Leurs acteurs entrent en relation, leurs soutiens lient ces deux luttes et Bernard Lambert, à l’initiative de cette marche célèbre dans son discours le « mariage des Lip et du Larzac […] le mariage des ouvriers et des paysans ». Plusieurs facteurs contribuent à ce rapprochement : anticapitalisme, antimilitarisme, critique de la répression, décloisonnement social, insubordination… Ce rapprochement n’a pas été pas sans limites mais la mémoire a contribué à l’entretenir

Après-midi : LIP au féminin

Grande témoin (visioconférence) : Monique Piton, ouvrière LIP, auteure de C’est possible ! Une femme au cœur de la lutte des LIP (1973-1974), des Femmes (1975) et Mémoires libres, Syllepse, 2010.
Participation d’autres témoins (sous réserve).

Pauline BRANGOLO (enseignante d’histoire) – Les femmes à LIP.
Une synthèse des travaux

Inscrite dans la continuité des « années 68 », l’affaire Lip est interrogée au regard du genre et de la division sexuelle du travail. L’organisation de la lutte au sein de l’entreprise Lip, dont les salariés sont pour moitié des femmes en 1973, nécessite que l’on s’interroge sur les rapports entretenus entre les « filles de Lip » et les féminismes. La réappropriation concrète ou idéologique d’une culture féministe par certaines salariées a-t-elle pu avoir un rôle sur l’investissement ou le militantisme des femmes durant le conflit ? Il s’agira également d’analyser comment l’émergence de questionnements sur les conditions de vie et de travail féminines ont pu façonner les relations entre les femmes ou avec les hommes mobilisés pendant la période des luttes et par la suite.

Marie-France CRISTOFARI (Cereq, retraitée) – Retour sur notre participation à la commission femmes à LIP

Dans des ateliers, dans des bureaux des femmes ouvrières, employées s’impliquent dans le mouvement de façon très diversifiée non sans lien avec leur vie familiale. Au tout début du mouvement Danièle et Marie France viennent à leur rencontre. Investies dans la mobilisation de femmes des années 1970 dans la région parisienne, notamment la constitution de groupe femmes – commission syndicale ou groupe autonome de quartier – où la prise de parole libère des récits de vie sur le poids d’une idéologie patriarcale pesant sur leur devenir et leur aspiration. Marie France raconte cette jonction précédant l’évolution du collectif femmes de LIP dans le déroulement de cette lutte.